54 : ophelia

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A son poste habituel, sur la falaise, alors que le vent menaçait d'emporter son parchemin dans la mer déchaînée, Ophelia est en train d'écrire

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A son poste habituel, sur la falaise, alors que le vent menaçait d'emporter son parchemin dans la mer déchaînée, Ophelia est en train d'écrire.

Du moins, elle tient sa feuille et sa plume. Mais ce jour-là, les mots ont du mal à franchir la limite de sa pensée pour s'étaler sur le papier. Elle repasse en boucle les quelques souvenirs qu'elle croyait avoir rêvé. Elle se souvient de la bataille avec la lionne - ou plutôt, avec Circé.

Elle ne l'a réalisé que plus tard, lorsque la magicienne s'était retranchée dans sa cuisine et qu'Ophelia était allée se laver. En passant la main sur son épaule gauche, elle a grimacé, et lorsqu'elle a regardé ce qui lui faisait mal, elle a découvert une griffure profonde, où le sang n'avait pas encore complètement coagulé.

Elle se doute que Circé doit être à l'origine de cette blessure. Elle est presque étonnée de découvrir qu'elle peut être blessée, sous sa forme de louve. Il faut dire que jusque là, personne n'avait vraiment réussi à la surpasser durant ses nuits de pleine lune.

Mais elle est encore plus stupéfaite de se rendre compte qu'elle a gardé quelques souvenirs de la nuit passée. D'ordinaire, ces derniers disparaissent dès l'apparition du premier rayon de soleil, et elle ne sait ce qui s'est passé que lorsqu'elle essaye de reconstituer tant bien que mal ses agissements. Comme après la première transformation, quand elle a découvert le cadavre de son père et a compris que c'était son sang qui l'avait souillée.

Est-ce la potion qui a fait effet ? se demande-t-elle.

Elle trace ses questions en pattes de mouches sur le parchemin. Elle n'a jamais eu une très belle écriture, étant donné qu'elle a appris derrière le dos de son père. Mais peu importe, elle est la seule à relire ses notes. Et elle ne veut pas oublier d'en parler à Circé.

Lorsque la première goutte s'écrase sur les mots qu'elle vient d'écrire, elle lève la tête vers le ciel, étonnée.

Elle n'a même pas réalisé que le temps commençait à se gâter.

L'île semble soudain enveloppée dans une obscurité menaçante, les nuages noirs cachent le bleu du ciel et les vagues s'écrasent de plus en plus violemment sur les rochers.

— Oh, oh, marmonne-t-elle. Revoilà l'orage.

Elle se lève d'un coup, serre ses écrits et sa plume contre sa poitrine et se met à courir pour s'abriter dans la demeure. En passant la porte, elle découvre les quatre nymphes blotties les unes contre les autres, au coin du feu.

La chaleur est agréable, Ophelia souffle et secoue la tête pour faire tomber l'eau qui coule le long de ses cheveux. Elle pose son parchemin sur la table, vérifie qu'il soit encore lisible. Puis elle embrasse la pièce du regard. Pas de traces de Circé.

A tous les coups, la magicienne est encore dans sa cuisine.

Lorsqu'Ophelia fait irruption, son hôtesse se détourne de sa marmite.

— Toi, tu t'es pris la pluie, constate-t-elle avec un petit sourire. Tu devrais aller te sécher auprès du feu, si tu ne veux pas tomber malade.

— Les autres occupantes de ta maison occupent déjà toute la place près du foyer.

Circé soupire.

— Ah, évidemment. Alors j'imagine que tu viens ici pour profiter de la chaleur des fourneaux ?

— Hmm, oui, aussi.

— Aussi ?

— En fait, je voulais d'abord te parler de quelque chose. Tu es encore en train de travailler sur la potion que tu m'as donné ?

— Oui, si on veut. Mais j'essaie une nouvelle approche. Pourquoi ?

— Et bien, c'est la première fois depuis que je suis maudite que j'ai gardé des souvenirs de la nuit. Et je me suis demandé si ça pouvait être un des effets de la potion. Qu'elle m'aurait permis de garder un minimum ma lucidité.

Pensive, Circé détourne le regard un instant.

— Peut-être, oui... Tu fais bien de m'en parler, ça va sûrement m'aider à la perfectionner. Hmm, peut-être que si j'arrive à augmenter cet effet... Tu crois qu'avec encore plus de lucidité, tu ne t'attaquerais plus aux proies qui sont sur ton chemin ?

— Je crois qu'il faut essayer, sourit Ophelia.

Les yeux de sa compagne retombent dans les siens.

— Bien dit ! Dans ce cas, je m'y mets tout de suite.

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