48 : ophelia

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- Où est-ce que je m'étais arrêtée ? demande Ophelia

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- Où est-ce que je m'étais arrêtée ? demande Ophelia.

Circé paraît surprise. Sans doute ne s'attendait-elle pas à obtenir des aveux si précipités. Mais sa compagne a eu quelques jours pour cogiter de son côté. Et, à l'aide de la plume qui l'a aidée à coucher ses craintes sur le papier, elle en est venue à la conclusion que tout déballer ne ferait que la soulager.

- Tu en étais au soir où ton mari est rentré après avoir bu.

Elle n'hésite presque pas. La magicienne a sans doute ressassé leur conversation autant de fois que l'a fait Ophelia.

Elle se rassoit et murmure quelques mots à la lionne, qui s'étire puis s'en va. Ophelia s'installe en face de Circé. De nouvelles images de la funeste nuit lui reviennent et les mots s'écoulent sans interruption.

- Cette nuit là, c'était la nuit de trop. Ce n'était pas la première fois qu'il rentrait dans cet état, et ça n'aurait pas été la dernière. Mais j'ai passé des mois et des mois à m'écraser face à sa volonté. Des mois à ruminer lorsqu'il n'était pas là puis à encaisser ses coups de moins en moins retenus. Et cette nuit, quand il a passé la porte, j'ai senti la colère monter dans ma poitrine. J'en avais assez de tout laisser passer.

Circé ne la coupe pas une seule fois. Dans ses yeux et sur son visage, la froideur qu'elle affichait s'est effacée pour laisser place à l'écoute. Ophelia ne doute à aucun moment de sa bienveillance, si bien qu'elle continue de développer son ressenti lors de cette nuit où sa vie a basculé.

Elle décrit le moment où il a levé le poing, mais surtout, elle parle du mouvement qu'elle a esquissé en miroir, ultime tentative pour ne pas être blessée.

Une défense qui s'est transformée en attaque.

Elle sait que les pleurs ne sont pas loin, mais elle ne veut pas que la magicienne pense qu'elle va encore se défiler. Cette fois, il faut que les mots sortent.

Et tandis qu'elle revoit la tâche de sang qui s'étend autour du corps inerte de son mari, elle murmure :

- Et c'est comme ça que je l'ai tué.

Il a suffit d'un geste inattendu de sa part, et d'une chute mal contrôlée, au mauvais endroit.

C'est tout ce qu'elle a fait pour lui ôter la vie.

- J'aurais pu me sentir soulagée, reprend-elle en maîtrisant le tremblement de sa voix. Mais cet acte, je ne pourrais jamais l'oublier. Il me hante.

- Je sais ce que c'est.

Circé n'en dit pas plus. Elle n'en a pas besoin. Elle doit continuer d'écouter, et Ophelia, de raconter.

- Lorsque le village l'a appris- lorsque mon père l'a appris, j'ai été, pendant quelques jours, mise à l'écart de tout. Les commerçants ont refusé de me vendre du pain, des fruits. Mon frère ne posait plus les yeux sur moi lorsque je le croisais dans la rue, il tirait son fils vers lui comme si je risquais de lui faire du mal. J'ai jeté la honte sur ma famille. Et puis, un soir, j'ai été conviée à un festin.

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