13 : circé

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- Ophelia ? Que se passe-t-il ? s'exclame la magicienne au moment où elle entend le bruit

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- Ophelia ? Que se passe-t-il ? s'exclame la magicienne au moment où elle entend le bruit.

Elle se retourne et écarquille les yeux. Au milieu des pourceaux, les pied dans la boue et le seau toujours dans une main, son invitée rend toutes ses tripes sur le sol de l'enclos.

- Je- ce n'est rien, déglutit Ophelia qui n'a pas fière allure.

- En général, ce n'est pas ce qu'on dit après avoir vomi, constate Circé d'un ton plat.

- C'est juste que la viande...

- Ce sont des cochons, pas encore de la viande. Tu n'aimes pas ça ?

- C'est simplement l'idée... Rien que d'y penser, je... Ça me soulève l'estomac.

La magicienne fronce les sourcils. Le visage de son invitée exprime des émotions fortes, un dégoût violent. Elle a l'impression qu'Ophelia ne lui dit pas tout.

Elle s'avance vers elle et lui prend le seau des mains. Après avoir posé les deux contenants de l'autre côté de la barrière, elle soutient la jeune femme et toutes deux marchent jusqu'à retrouver l'herbe sous leurs pieds crottés.

- Tu as besoin de t'asseoir ?

- Non, je t'assure que ça va.

Ophelia s'essuie la bouche avec son bras.

- Ça t'embête si je te fausse compagnie pour me désaltérer ?

- Mais non, bien sûr que non. Tu veux que je t'accompagne ?

- Pas la peine, souffle-t-elle.

Et la voilà partie en direction de la maison d'un pas tremblant mais déterminé.

Circé reste seule devant l'enclos des cochons. Elle réfléchit à ce qui vient de se passer. Elle comprend qu'Ophelia puisse être dégoûtée par la viande. Mais recracher tout son petit-déjeuner simplement parce qu'elles en ont parlé ?

Et il y a ce sentiment, qui lui dit que la jeune femme lui cache décidément beaucoup de choses.

Pourtant, lorsqu'Ophelia revient quelques minutes plus tard, cette impression disparaît. Elle a l'air de nouveau en parfaite santé.

Circé a fini de nourrir les animaux. Elle propose donc à son invitée de l'accompagner dans les autres tâches de la journée. Avec un sourire sincère, Ophelia accepte.

L'incident ne se reproduit pas dans le reste de la journée. Les deux femmes font le pacte implicite de ne parler que de choses légères. Et la magicienne réalise que dans sa longue vie, ça ne lui était peut-être jamais arrivé.

Le soir venu, elles cuisinent côte à côte aux fourneaux. Circé parle des plantes qu'elle utilise pour ses potions, et Ophelia l'écoute, comme passionnée. L'instant est comme suspendu. Elles ne sont plus que deux sur l'île d'Aea, c'est comme si les nymphes n'existaient plus, comme si elles les avaient chassées de leur bulle.

Circé s'est rarement sentie aussi apaisée. Après avoir vécu si longtemps auprès des dieux, elle n'avait pas imaginé que l'éternité pouvait être autre chose que mouvementée.

Finalement, l'éternité, c'est aussi ce genre d'instants hors de toute temporalité, où la routine s'installe, où rien ne se passe d'imprévu ; et où pourtant on se sent bien.

La magicienne installe tout ce dont elles auront besoin sur la table. Mais alors qu'elle s'apprête à s'asseoir, Ophelia déboule en trombe dans la salle à manger. Elle a l'air paniquée.

- Je- je suis désolée, je crois que je ne vais pas manger, ce soir, annonce-t-elle de manière abrupte.

- Mais on vient de passer plus d'une heure à tout préparer, s'étonne Circé.

- Je sais je... Je m'excuse. Je ne peux vraiment pas.

- C'est à cause de ce matin ?

- Oui- enfin, non. Je ne peux pas t'expliquer. Je vais aller dehors, j'ai besoin de prendre l'air. Et s'il te plaît, ne me court pas après. Je dois- j'ai besoin d'être seule.

Sans laisser le temps à Circé de protester, elle s'engouffre à l'extérieur en claquant la porte. Circé reste plantée là, à manger seule en regardant Hélios disparaître à l'horizon.

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