14 : ophelia

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Elle a passé une nuit affreuse

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Elle a passé une nuit affreuse. Ophelia s'en rend compte dès qu'elle se réveille, non pas dans son lit comme d'habitude, mais sur un des divans du salon.

Et pourtant elle ne se souvient de rien. La dernière chose à laquelle elle se heurte en tentant de puiser dans sa mémoire est la vision de la nuit tombant sur les paysages estivaux d'Aea.

Elle se frotte les yeux, mais ne sait pas si elle cherche à voir son environnement de manière plus nette ou plutôt à retourner tous ses souvenirs afin de se rappeler de cette nuit.

La lumière du soleil entre lentement dans la maison aux murs blancs. La course d'Hélios commence tout juste. Ophelia laisse vagabonder son regard sur les rayons qui tracent leur chemin à travers les ombres. Et puis, ses yeux se posent sur la corbeille de fruits, pleine à ras bords.

Son ventre laisse échapper un gargouillis. Elle meurt de faim.

Elle se rappelle avoir abandonné Circé à la table du repas, la veille, angoissée par l'approche de la nuit. Un sentiment de honte l'envahit soudain, tandis qu'elle quitte le divan pour s'asseoir à la table et attraper une pomme.

Elle mord avec envie dans le fruit et soupire lorsque le jus s'écoule dans sa gorge.

Elle se demande où est son hôtesse. À cette heure matinale, les nymphes dorment encore, c'est certain, mais en ce qui concerne la magicienne, elle en est moins sûre. Circé est du genre à se lever tôt pour veiller sur ses cultures, préparer ses potions en toute tranquillité.

Mais aucun bruit n'émane de la cuisine.

Ophelia prend une deuxième bouchée. Circé doit dormir, ou bien elle s'active déjà à l'extérieur.

Peu importe, se reprend-elle. Pourquoi se soucie-t-elle tant de l'emploi du temps de la magicienne ? Et pourquoi a-t-elle l'impression désagréable que lorsqu'elle la verra, elle devra se justifier de son comportement ?

Que dire ? se demande Ophelia. Que répondre, si elle me pose la question ?

En avalant un troisième bout de pomme, elle se sent soudain angoissée, oppressée par ces murs trop blancs et ce soleil trop timide. Elle se lève en coup de vent pour aller récupérer dans sa chambre le parchemin qu'une nymphe lui a prêté.

Sa plume et son papier en main, elle pousse la porte de la demeure. Elle lève les yeux au ciel. L'aube n'est pas encore tout à fait levée.

Elle entend les grognements des cochons, dans l'enclos, derrière la maison. Elle prend la direction opposée. Elle a eu beau prétendre le contraire devant Circé, la vue de ces pauvres animaux enfermés et réduits à manger les restes avant d'être mangés lui est encore désagréable.

Ophelia se retrouve donc rapidement sur la falaise, après une montée qui ne lui arrache pas un halètement. Elle est une fille de la montagne ; elle a déjà vu des sentiers bien plus escarpés.

Le vent, qui n'était pas si fort quelques mètres plus bas, lui semble soudain presque violent, il remue la mer à l'horizon comme si une tempête se préparait.

Mal à l'aise, elle ne s'assied pas les pieds dans le vide, mais plutôt sur un rocher, suffisamment éloigné du bord pour qu'elle ne craigne pas d'être emportée de nouveau.

Elle déplie son parchemin, agrippe sa plume, prête à déposer des mots sur le papier.

Mais avant cela, elle plonge son regard dans les profondeurs des flots, et pour se redonner de la force, déclare ces mots qui lui viennent sans mal.

Tu es une guerrière, tu es une louve. Tu n'as pas peur de ces porcs, tu ne crains pas le goût de leur chair amère, leurs cris lorsqu'ils te voient. N'oublies pas : tu es une louve, et les loups ne font qu'une bouchée des cochons. Fais-toi confiance et tout ira bien.

C'est alors qu'elle entend les cris.

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