55 : circé

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Un silence s'installe, dans la cuisine

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Un silence s'installe, dans la cuisine. Si elle tend l'oreille, la magicienne peut entendre le léger bruit des frissons d'Ophelia. Un rapide coup d'oeil vers les bras de son invitée confirme qu'elle a la chair de poule.

— Tu devrais aller te changer, conseille-t-elle en attrapant un bocal sur l'étagère la plus haute de la pièce. Ou alors te couvrir.

— Ca va, je n'ai pas froid.

Circé hausse les épaules, certaine qu'Ophelia ment. Mais la jeune femme fait bien ce qu'elle veut, Circé ne s'opposera plus à elle pour ce genre de choses.

Elle plonge sa main dans le bocal pour en sortir plusieurs feuilles de coquelicot séchées. Dans un bol en terre, elle les écrase jusqu'à obtenir une sorte de pâte éclarlate.

— Comment choisis-tu tes ingrédients ? s'enquit soudain sa compagne en s'approchant de quelques pas. Comment sais-tu lesquels seront utiles ? Je ne te vois pas consulter une recette...

Elle laisse échapper un petit rire.

— La magie ne se pratique pas avec des recettes. C'est une question de... ressenti. La façon dont je trouve les ingrédients, dont je les mélange et les fais chauffer juste à la bonne température ou pendant le bon nombre de minutes... c'est presque instinctif. Certaines fois plus que d'autres, certes. Dans le cas de cette potion, c'est vrai que je tâtonne, j'ai plus de mal, mais c'est simplement parce que je ne sait pas exactement quel effet je dois produire et ce contre quoi je dois aller. Je sais trop peu de choses sur ta malédiction pour réussir du premier coup.

Elle verse la poudre de coquelicot dans la marmite. De petites bulles rougeâtres se forment, puis explosent.

— Tu vois, continue-t-elle. Ce que tu viens de me dire m'a donné une idée. J'utilise généralement les feuilles de coquelicot pour des potions qui font oublier. Mais dans ce cas, c'est l'effet contraire que je cherche à obtenir. Alors j'essaie de les réduire en poudre pour inverser leur usage. En fait, ce que je fais, c'est un mélange de connaissances sur les ingrédients, d'expérience, de tests, et d'intuition.

— Intéressant, murmure Ophelia.

Elle a un regard pensif.

— J'ai l'impression de voir ma mère quand elle cuisinait, ajoute-t-elle. C'est un peu la même chose, la cuisine, non ? Tu cherches le bon ingrédient pour faire de l'effet aux papilles des gens, pour les surprendre. Il faut connaître ce que tu as sous la main mais aussi avoir la capacité d'innover. Enfin, je n'en sais rien. Je n'ai jamais été très douée pour ça.

— Si, si, c'est une bonne comparaison. La cuisine et les potions, ça n'est pas si éloigné, en effet.

Circé remue son mélange. Le silence revient. Enfin, pas tout à fait. La respiration d'Ophelia est suffisamment près pour parvenir jusqu'aux oreilles de la magicienne. Et elle trouve ça à la fois apaisant et... stressant ?

C'est vrai qu'elle n'a pas l'habitude d'être observée de si près pendant qu'elle travaille. Soudain, le souffle de sa compagne se fait plus bruyant, et elle devine qu'elle va lui poser une question.

— Il faut que je te dise...

Ah non, pas de question.

— Oui ?

— Je... je me disais que tu t'étais excusée plusieurs fois, pour euh... pour tout ce qui s'est passé. Mais moi aussi, j'ai des excuses à te faire.

— Ce n'est rien, tu sais.

— Peut-être, mais c'est important pour moi.

La voix d'Ophelia est ferme. La magicienne ne proteste pas. Si elle a tant besoin de s'excuser, qu'elle le fasse. Mais elle ne peut s'empêcher d'être surprise. De quoi ressens-tu donc le besoin de t'excuser ?

— Je suis désolée d'avoir été si distante, au début. Et même récemment. Je suis désolée d'avoir préféré la fuite à chaque fois que tu me confrontais. Je suis vraiment désolée d'avoir attiré ces marins sur ton île, de t'avoir mise en danger.

Circé retourne la tête pour la regarder dans les yeux.

— Tu sais, je ne t'en veux pas pour tout ça. Tu avais tes raisons.

Elle est surprise de voir sa compagne rougir.

— Et surtout, je suis désolée pour le baiser.

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