Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
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Ophelia se réveille, allongée sur un parterre d'herbe verdoyante. Elle met un moment à émerger, comme à chaque lendemain de pleine lune.
Un frisson la saisit, et elle se décide à ouvrir grands les yeux.
Le ciel est couvert. Maintenant qu'elle est bien réveillée, elle constate que de fines gouttes tombent déjà sur ses bras. Ses poils sont hérissés. Elle frissonne de nouveau.
Elle se relève, malgré l'engourdissement de ses muscles, et elle prend le chemin de la maison. Le ciel s'obscurcit de minute en minute et elle ne veut pas risquer d'attraper froid à cause du déluge à venir.
De la fumée s'échappe de la cheminée de la bâtisse. Un petit sourire naît sur ses lèvres, à l'idée de retrouver Circé et de se blottir sur un divan, bien au chaud à l'intérieur.
Mais quand elle entre dans le séjour, elle ne trouve que Mérope, en train de s'affairer au métier à tisser.
- Bonjour, lance la nymphe, d'un ton presque automatique.
- Hmm, bonjour, marmonne Ophelia.
Sa langue est étrangement pâteuse. Machinalement, elle se dirige vers la cuisine et attrape une miche de pain. Elle retourne dans la salle à manger, se sert de fruits dans la corbeille qui trône au milieu de la table, et commence à manger.
Un haut le coeur la soulève alors. Elle déglutit. Elle a l'impression de ne rien pouvoir avaler. Comme si son ventre est déjà plein. Alors qu'elle n'a pourtant pas mangé depuis la veille, avant de se transformer.
Elle abandonne son morceau de pain à moitié grignoté et se tourne vers Mérope.
- Tu as vu Circé ?
La nymphe secoue la tête, sans même lever les yeux de son ouvrage.
- À mon avis, tu la trouveras dans le jardin. Si elle n'est pas dans la cuisine, je ne vois pas d'autre endroit où elle serait fourrée.
Ophelia esquisse un petit sourire. Rien d'étonnant de la part de Circé, en effet. À ce détail près que le temps couvert et pluvieux ne donne pas vraiment envie de s'aventurer dehors pour prendre soin des plantes.
Elle le fait remarquer à Mérope, qui hausse les épaules. La relation entre les nymphes et la magicienne se sont peut-être améliorées, ces derniers temps, mais elle ne va tout de même pas s'intéresser à ce que fait Circé.
Après s'être munie d'un large foulard épais qu'elle enroulé autour de sa tête et de son cou, Ophelia se décide à braver la pluie pour rechercher sa compagne.
Elle sort, contourne la maison et passe près de l'enclos des cochons. Elle les survole du regard, prise d'un mauvais pressentiment. Mais elle ne leur a jamais prêté assez d'attentions pour savoir s'il en manque un.
Elle passe près de la barrière en bois qui les empêche de courir en liberté à Aea, mais ne remarque pas de poils gros caractéristiques, de traces de lutte ou encore de sang.
Rassurée, elle poursuit sa route en direction du jardin.
Mais l'évidence la frappe vite : Circé n'est pas ici.
- Peut-être qu'elle dort encore, finalement, formule-t-elle à voix haute.
Elle a plutôt l'habitude de voir sa compagne se lever aux aurores, mais après une nuit passée sous la forme d'un animal, peut-être a-t-elle ressenti le besoin de combler son manque de sommeil.
Ophelia se persuade que la magicienne est bien au chaud sous les draps. Pourtant, elle décide malgré tout d'aller jeter un coup d'œil dans la forêt et sur la plage.
Le chemin menant à la plage étant tout proche, elle commence par ce côté. Arrivée aux falaises, elle se penche avec prudence, et constate qu'aucune présence humaine n'est visible en contrebas.
Elle rebrousse chemin, direction le bois. En marchant sous les arbres, elle se laisse bercer par le bruit des gouttes sur les feuilles qui commencent à prendre une teinte orangée. Pendant quelques instants, elle a presque l'impression de se retrouver dans les forêts où elle jouait, enfant, loin dans les montagnes d'Arcadie.
Elle arrive presque à l'autre bout de l'île, à l'endroit où elle et Circé ont pris l'habitude d'aller pour observer la fin de la course du char d'Hélios.
Elle fait quelques pas de plus, faisant craquer les feuilles mortes sous ses pieds, et soudain, elle s'arrête net.
Figée d'horreur, ses yeux ne vagabondent plus sur le paysage.
Ils ne fixent qu'une seule chose : le corps inerte de Circé, barré d'une ouverture béante, qui gît dans son sang d'une couleur si particulière.