23 : ophelia

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Quelques jours plus tard, Ophelia entre en trombe dans la maison et découvre Circé en train de rêvasser, les yeux perdus au delà de la fenêtre

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Quelques jours plus tard, Ophelia entre en trombe dans la maison et découvre Circé en train de rêvasser, les yeux perdus au delà de la fenêtre.

La rescapée brandit du tissu entre ses doigts.

- J'ai fini ma robe ! s'exclame-t-elle.

Immédiatement, les yeux de Circé rencontrent les siens, avant de se poser sur la robe.

- Bravo ! Tu vas aller l'essayer ?

Ophelia hoche la tête.

- Reviens me voir une fois que tu l'auras passée, je veux la voir portée !

Électrisée par la réaction de son hôtesse, Ophelia s'empresse de courir à sa chambre et de se dévêtir pour enfiler la robe. Sa robe. Elle fait trois pas, tourne pour admirer le tissu qui épouse ses formes puis se gonfle à l'air.

Elle repart alors en sens inverse. Dans le séjour, Circé a quitté son poste d'observation pour s'adosser au mur, près du couloir qui mène aux chambres des invitées.

Elle adresse un sourire rayonnant à Ophelia, qui se sent alors passée au crible par les yeux sombres de la magicienne.

Elle a déjà vécu des scènes semblables. Elle se souvient vaguement de la façon dont son mari la regardait à chaque fois qu'elle sortait pour une occasion exceptionnelle. Comme s'il devait juger ce qu'elle était libre de porter ou de ne pas porter.

Mais là, la situation n'a rien de semblable. Le regard de Circé n'est pas inquisiteur, ni désapprobateur. Il est simplement là, bien plus léger que n'importe quel regard d'homme. Ophelia sent alors son cœur s'emballer dans sa poitrine.

Et brusquement, sa compagne la prend par les mains et se met à chanter. Surprise, Ophelia se laisse emporter par le mouvement.

- Une si jolie robe, il faut la tester, lui explique la magicienne avec un regard brillant.

Ophelia acquiesce.

Depuis quand n'a-t-elle pas dansé ? Elle est incapable de le dire. Depuis son arrivée à Aea, elle a de plus en plus de mal à mesurer le temps qui a passé depuis cette fameuse nuit. Les visages de ses défunts père, mari et frère se font de plus en plus troubles. Et elle ne peut pas s'empêcher de se réjouir.

Alors elle s'abandonne dans sa danse avec Circé. Elle ferme les yeux et identifie les mouvements d'air autour d'elle, le corps de la magicienne à quelques pas. Elle se prend à fredonner à son tour le même air que Circé, cette chanson énergique qu'on dit héritée de Dionysos.

Son sourire s'agrandit au fur et à mesure qu'elle se libère, qu'elle se débarrasse des poids sur ses épaules. Après plus de vingt ans à endurer sans broncher, elle se sent pour la première fois maîtresse d'elle-même. Plus personne ne peut l'empêcher d'écrire, de se baigner, de se vêtir comme elle l'entend et de danser avec la magicienne que tous les marins craignent.

Lorsqu'elle réouvre les yeux, à la fin de la chanson, le regard de Circé est toujours rivé sur elle. Après leur danse effrénée, leur respiration est inégale, haletante.

Et elles ne cessent de se regarder.

C'est alors qu'Ophelia se laisse emporter.

Avant même d'avoir eu le temps de réaliser ce qu'elle est en train de faire, elle tire légèrement sur les mains de la magicienne pour la rapprocher d'elle. Ses yeux descendent alors sur les lèvres de Circé, qu'elle vise un instant avant d'y planter un vif baiser.

Le contact de leurs bouches agit comme la foudre sur un arbre en plein orage. En une fraction de seconde, Ophelia recule, lâche les mains de Circé et écarquille les yeux, mortifiée.

Et alors, sans un mot ni un regard de plus, elle fuit pour s'enfermer dans sa chambre.

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