21 : circé

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Ce soir-là, les deux femmes dînent dans un silence presque pesant

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Ce soir-là, les deux femmes dînent dans un silence presque pesant. Non pas parce qu'elles ne discutent pas, mais plutôt parce que les paroles de Poséidon à Ophelia planent encore entre elles.

Ce n'est que lorsqu'arrive le moment du dessert que Circé pose un œil sur le parchemin qu'Ophelia a laissé sur la table, à côté d'elles.

- Tu sais lire et écrire ? demande-t-elle, piquée par la curiosité.

Son invitée acquiesce.

- Avant de mourir, ma mère m'enseignait parfois ses connaissances, lorsque mon père n'était pas là. Et plus tard, j'espionnais les leçons de mon frère. Écrire est rapidement devenu une nécessité, pour moi. Jusqu'à ce que mon père et mon mari ne le découvrent.

Circé fronce les sourcils. Ainsi, Ophelia est mariée. Encore quelque chose qu'elle n'avait pas soupçonné. Mais elle est reconnaissante à la jeune femme de se livrer enfin sans résistance.

- Que s'est-il passé ensuite ?

- Ils ont brûlé mes feuillets.

Ophelia tressaille. Elle porte son pain à sa bouche, mais ses mains se sont mises à trembler. Circé baisse les yeux. Elle ne voulait pas la mettre mal à l'aise, mais c'est raté.

- C'est en partie pour ça que je me suis enfuie, conclut malgré tout la naufragée. Et à partir de là, j'ai glané dans tous les villages où je passais de quoi continuer à écrire. Mais j'ai de nouveau tout perdu lorsque le bateau a sombré.

- J'en suis désolée.

- Tu n'y es pour rien. Peut-être que c'est mieux que tout ça repose au fond de la mer. Au moins, je ne relirai plus jamais ce que j'ai posé sur le papier.

Prudemment, Circé demande :

- Ce n'étaient pas des écrits heureux ?

- Je te l'ai dit, la plupart des histoires que je connais sont tristes. Et c'est entièrement de la faute des hommes.

- Tu as vécu la même chose que moi, soupire la magicienne.

Ce n'est pas une question. Elle s'en est déjà doutée depuis un moment. Une femme seule, qui voyage à travers toute la Grèce, pas étonnant qu'elle ait fini par rencontrer un certain nombre d'individus abjects. Et même les femmes d'ascendance divine n'y échappent pas, même si elles ont l'avantage de pouvoir se défendre. Alors comment Ophelia aurait-elle pu sortir indemne de son périple ?

- Ils paieront un jour pour ce qu'ils t'ont fait, murmure-t-elle.

Elle le souhaite vraiment. Elle a pu se venger de ses agresseurs. Si elle n'était pas prisonnière de son île, elle se lancerait sur le champ à la recherche de ceux qui ont fait du mal à Ophelia.

- Je ne pense pas, soupire son invitée en haussant les épaules. J'ai fini par arriver à la conclusion que les dieux se fichent pas mal d'être justes.

Elle n'a pas tort. Et Circé sent la peine l'envahir encore davantage.

- Tu es en sécurité, ici. Je te le promet. Poséidon est un dieu, il se croit tout permis. Mais tant que je serai là, je te garantis que tu ne le rejoindras pas.

Ophelia esquisse un sourire timide. Les yeux de la magicienne explorent le visage serein de la jeune femme. Elle semble si calme, pour une fois. Elle semble n'avoir peur de rien, comme si même les loups ne pouvaient pas l'effrayer. Circé s'en fait la promesse : il n'arrivera rien à Ophelia tant qu'elle sera à Aea.

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