30 : ophelia

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Elle n'est plus qu'à moitié consciente lorsqu'elle sent qu'on la détache du sol et qu'on la porte

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Elle n'est plus qu'à moitié consciente lorsqu'elle sent qu'on la détache du sol et qu'on la porte.

Ses entrailles la brûlent. Quoi qu'ait utilisé Circé, elle n'y est pas allée de main morte. Ophelia est certaine qu'elle n'oubliera pas de sitôt ce qu'elle vient de vivre. La douleur était si forte, si instantanée... Et elle ne veut même pas penser à la façon dont la magicienne a forcé ses aveux.

Elle s'est sentie dépossédée de son corps. Une sensation qu'elle a malheureusement subie trop de fois et qu'elle aurait aimé de plus jamais ressentir.

Après quelques secondes dans les bras de la magicienne, Ophelia est déposée sur son lit. Son corps est encore parcouru de spasmes et de légers tremblements. On rabat un drap sur elle.

Mais Circé ne s'en va pas tout de suite. Ophelia la sent alors prendre sa main et la caresser doucement, d'un mouvement répétitif mais apaisant.

Pourtant, elle voudrait crier à sa compagne de la laisser seule. Après tout, elle lui a fait du mal en lui faisant absorber contre son gré une potion de vérité. Elle ne croit tout de même pas qu'Ophelia va lui pardonner si facilement, et cela seulement parce qu'elle a fini par lui venir en aide ?

Mais pour l'instant, la rescapée n'est pas en état de le formuler à voix haute. Déjà, elle se sent plonger dans le sommeil, pendant que le mouvement des doigts de Circé sur le dos de sa main l'hypnotise.

Alors elle se contente juste de répéter mentalement : Vas-t-en, vas-t-en, vas-t-en.

Et au bout de trop longues minutes, comme si la magicienne avait entendu sa prière mentale, elle relâche sa main. Ses pas délicats s'éloignent du lit, et elle quitte la chambre en fermant doucement la porte.

Les jours suivants, Ophelia se rétablit doucement. Après la nuit de la pleine lune, puis le somnifère, et enfin la dispute avec Circé, elle a bien mérité un peu de repos.

Lorsqu'elle sent sa force la retrouver et ses jambes prêtes à supporter son poids, elle commence par sortir de sa chambre, puis de la maison, et à aller se balader en haut des falaises. Elle savoure l'air frais de début de matinée sur sa peau, puis passe des heures à attendre la complète obscurité du ciel.

Et pendant tout ce temps, elle ne cesse de faire des signaux lumineux. Elle n'a pas oublié son plan. Et après ce que Circé lui a fait vivre, elle n'a pas envie de s'éterniser plus longtemps à Aea.

Circé, justement. Depuis qu'elle s'est réveillée le lendemain de leur querelle, la magicienne a été curieusement silencieuse. Elle ne lui a plus demandé où elle se rend lorsqu'elle quitte la maison, ne l'a pas obligée à parler de nouveau, ni ne l'a forcée à manger lorsqu'elle n'avait pas faim.

En somme, Circé la laisse tranquille.

Mais Ophelia refuse de se laisser attendrir.

C'est la moindre des choses, non ? se dit-elle face au nouveau comportement de son hôtesse.

Ce soir-là, elle se trouve de nouveau sur la pointe de la falaise. Le temps est si dégagé qu'on distingue presque les contours de la côte grecque à l'horizon. Ophelia répète son signal, presque machinalement, tellement elle en a pris l'habitude.

Mais cette fois, il lui semble voir une voile qui apparaît à l'horizon. Elle qui commençait à désespérer de quitter l'île se redresse soudain pour scruter le petit point plus en détail. Tout n'est pas perdu.

Concentrée comme elle l'est, elle n'entend pas les bruits de pas qui s'approchent derrière elle.

- Que fais-tu ! s'écrie soudain la voix de Circé.

Ophelia se retourne, prête à une nouvelle dispute. Mais elle s'arrête lorsqu'elle pose son regard sur le visage de la magicienne. Elle n'est pas en colère. Son expression traduit surtout de la panique.

- Arrête ! reprend-elle en arrachant la lampe que son invitée tient entre les doigts.

- Je ne vais pas m'arrêter ! J'ai envie de partir, et tu m'avais dit que je le pouvais, que tu ne m'en empêcherai pas, alors pourq-

- Le problème, ce n'est pas que tu partes ! hurle Circé.

Elle pointe de son doigt la voile qui grandit à l'horizon.

- Le problème, c'est que je ne veux pas qu'eux viennent ! Espérons qu'il n'auront pas vu tes signaux !

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