61 : circé

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Deux jours après l'orage, l'île d'Aea est plongée dans une brusque canicule

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Deux jours après l'orage, l'île d'Aea est plongée dans une brusque canicule. Les nymphes se réfugient à l'intérieur de leurs chambres pour ne sortir qu'à la nuit tombée, et tous les animaux se rassemblent sous les arbres de la forêt pour ne pas sentir la brûlure du soleil. Le char d'Hélios ne semble pas vouloir leur laisser une minute de répit.

Circé qui, contrairement à Ophelia, ne craint pas les coups de soleil, continue à aller nourrir ses bêtes et faire le tour de son potager. Elle sue à grosses gouttes certes, mais elle est immunisée contre le risque d'insolation.

En plein milieu de l'été, les tomates sont énormes, gorgées de jus rouge. La magicienne les arrose tous les soirs, et passe récolter les plus mures à l'aube.

Ce jour-là, alors qu'elle traîne son seau rempli d'eau entre les plants qui sont presque plus hauts qu'elle, elle distingue la silhouette d'Ophelia qui s'approche du potager. La jeune femme arbore un foulard, fabriqué avec un des tissus retrouvés dans le bateau, afin de se protéger des rayons du soleil.

Un instant, Circé s'immobilise, simplement pour contempler le visage de sa compagne.

S'autoriser à faire ce genre de choses suffit à la combler, depuis cette fameuse nuit d'orage.

— J'ai fini de préparer le repas ! lance Ophelia.

— Je termine l'arrosage et je te rejoins !

Mais Ophelia rentre dans le jardin et s'approche de Circé.

— Les filles ont essayé de me tirer les vers du nez, tu sais.

— A propos de quoi ?

— Et bien, à propos de l'autre soir. Et tu penses bien qu'elles ont aussi remarqué que je ne dormais plus sur les divans de la salle à manger.

Circé esquisse un sourire.

— Et qu'est-ce que tu leur as répondu ?

— De se mêler de leurs affaires.

La magicienne se met à rire.

— Tu sais qu'en faisant ça, tu risques juste de titiller leur curiosité, hein ?

— Bah, elles seront curieuses quoi qu'on fasse, non ? Enfin, Pitys a essayé d'insister, en me disant qu'elle avait bien remarqué que quelque chose avait changé. Alors j'ai répliqué : "si tu le sais, alors pourquoi tu me poses la question ?".

— Comment elle a réagi ?

— Elle a arrêté de fouiner.

Un nouvel éclat de rire secoue Circé, avant de contaminer Ophelia. Elles avancent dans la dernière rangée de tomates. La main d'Ophelia frôle la hanche de sa compagne, qui tressaille.

Une fois le seau vidé, elle s'autorise à son tour à initier le contact. Leurs mains s'accrochent les unes aux autres, leurs corps se rapprochent. Et Circé plante un baiser sur la joue d'Ophelia. Puis, sa bouche s'approche de son oreille, et elle propose :

— Ca te dirait de manger dehors ?

Ophelia est partante. Elles s'empressent d'aller mettre leur repas dans un panier, puis ressortent. La magicienne les guide vers l'autre bout de l'île. Après avoir traversé la forêt, elles arrivent sur un coin de falaise herboré, le meilleur point pour observer le soleil en train de sombrer sous l'horizon.

Elles s'assoient côte à côte, déballent la salade de tomates confectionnée par Ophelia, puis mangent sans un bruit, happées par la sérénité du moment.

De temps en temps, Ophelia passe son bras dans le dos de Circé et l'attire à elle pour l'embrasser. Ses lèvres ont un goût de tomates et de fleurs sauvages.

Le ciel est presque noir quand la magicienne perçoit un bruissement dans les fourrés derrière elles. Elle ne se retourne pas, persuadée qu'il ne s'agit que de sa lionne. Mais une voix narquoise les fait sursauter :

— Oh, je crois que j'interromp quelque chose !

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