Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
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Des questions, toujours plus de questions. Circé s'accroupit vers Ophelia, tate son pouls. Elle n'est pas morte.
Mais elle semble pourtant profondément endormie. Le regard de la magicienne est attiré par le sang qui tapisse le sol de ce coin de l'enclos. Seul le porc semble avoir été éventré, de la même manière que la dernière fois.
Par chance, la rescapée ne présente pas l'ombre d'une blessure.
Cela ne fait que rendre Circé de plus en plus perplexe. Quel genre de chose se serait repue des entrailles d'un cochon tout en négligeant la chair humaine présente juste à côté ?
Mettant de côté ses interrogations pour un court moment, elle attrape les bras d'Ophelia et la hisse sur son dos, pour la traîner jusque dans la maison. Elle est plus lourde que deux mois plus tôt. Au moins, elle a retrouvé la santé.
Circé lève les yeux au ciel aussitôt cette phrase ayant traversé ses pensées. Bon sang, n'était-elle pas censée être furieuse contre son invitée ? Après tout, ces derniers jours, Ophelia lui a prouvé que leur lien n'était pas aussi fort qu'elle ne l'avait imaginé. C'est une adulte ; la magicienne devrait cesser de se préoccuper de sa santé.
Elle porte Ophelia jusqu'à sa chambre, en se faisant la réflexion que cette dernière préférera sans doute ne pas se retrouver dans le salon, à la vue de tout le monde, comme lorsqu'elle est arrivée à Aea. Et encore une fois, elle se fustige juste après de se soucier de ce genre de détails.
Une fois le corps lourd et sans réaction déposé sur le lit, Circé prend un instant pour l'inspecteur une seconde fois. Étonnamment, Ophelia ne porte pas la robe qu'elle a elle-même cousue. Ce vêtement lui évoque-t-il déjà des mauvais souvenirs ?
Agacée, autant par son invitée que par ses propres extrapolations, Circé fait taire ses questions pour se contenter de vérifier que la "dormeuse" n'est pas blessée.
Mais non. Sa peau est lisse, sans aucune plaie.
C'est alors que la magicienne détecte une odeur qu'elle n'avait pas décelée. Immédiatement, une partie du mystère s'éclaire. Ophelia a absorbé une partie du somnifère qu'elle avait concocté pour les loups.
Aussitôt cette conclusion faite, de nouvelles questions émergent. Comment la jeune femme a-t-elle pu avaler le somnifère ? Et qu'est-ce que cela a à voir avec le cochon lacéré ?
Circé hausse les épaules. Vu la puissance de sa potion, elle suppose qu'Ophelia a encore quelques heures de sommeil devant elle - tout dépend à quel moment elle est entrée en contact avec la mixture. Mais une fois réveillée, elle pourra tout lui expliquer.
Si elle daigne de nouveau lui parler.
La magicienne tâte la petite bourse en cuir attachée à sa ceinture.
Si son invitée reste muette, alors, elle devra la forcer.
Il est temps qu'elle obtienne des réponses. Et pas seulement à propos de la bête mystérieuse.
Bon sang, Ophelia, vas-tu enfin me dire pourquoi tu m'as embrassée ?
Circé ressort et retourne voir les cochons. Comme la dernière fois, ces derniers semblent terrifiés. Ils sont agglutinés à l'opposé de la scène funeste où l'un d'entre eux est mort. Un instant, elle songe : si je les retransformais, ils me diraient ce qu'ils ont vu.
Elle sait pourtant qu'elle n'en sera pas capable. Car si elle le faisait, elle redeviendrait la proie. Et ses animaux seraient de nouveau les bourreaux.
Circé s'est juré que tout cela ne lui arrivera plus jamais. Tout repose sur le réveil d'Ophelia.
