60 : circé

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Il est plus que temps de descendre, et de vaquer à leurs occupations de la journée

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Il est plus que temps de descendre, et de vaquer à leurs occupations de la journée. Mais tandis qu'elle descend l'échelle, Circé redoute que la bulle qui les a enveloppé toute la nuit n'éclate.

Elle prend le temps de s'assurer qu'Ophelia descend sans difficulté malgré sa blessure tout juste refermée, puis elle s'avance la première dans la cuisine puis la salle à manger.

Le regard de la nymphe assise à la table la transperce comme une flèche. Et lorsqu'Ophelia surgit derrière elle, la magicienne baisse les yeux pour ne pas voir la réaction de sa colocataire imposée. Elle ne sait même plus de laquelle il s'agit. Est-ce Pitys ou Mélité ?

Ophelia prend les devants et s'installe face à la nymphe, pendant que Circé découpe plusieurs tranches de pain et ramène le pot de miel. Elles mangent dans un silence pesant, en se regardant à peine.

Ca y est, désespère Circé, ce que je redoutais est en train d'arriver.

Comme si elle avait lu dans ses pensées, le bras d'Ophelia frôle soudain le sien dans un geste complice. Trop peu pour que la nymphe se pose des questions, assez pour rassurer la magicienne. Elle esquisse un semblant de sourire avant d'avaler un nouveau morceau de pain avec un appétit nouveau.

A son grand soulagement, la nymphe finit par quitter la table et se retranche dans ses quartiers.

Ophelia souffle. Leurs regards se croisent, et elles éclatent finalement de rire.

— Tu crois que Pitys a deviné ? demande Ophelia.

Circé manque de s'étrangler avec son pain.

— Evidemment, qu'elle a deviné. On est arrivées en même temps, et la cuisine ne mène à rien d'autre qu'à ma chambre. Ca te gêne ?

— Non.

Elle ne s'attendait pas à ce que la réponse soit si ferme. Quelque part, en elle, un poids s'envole. Tu vois, les craintes d'Hécate n'étaient pas fondées. Elle n'a pas l'air de vouloir tout oublier.

— Et toi ? reprend Ophelia.

— Je ne sais pas, avoue-t-elle.

Les yeux de sa compagne deviennent interrogateurs.

— Ce- ce n'est pas parce que j'ai honte, explicite Circé. Simplement, les nymphes sont plutôt du genre bavardes. Tu peux être certaine que Pitys va en parler aux autres, et ensuite, ça ne mettra pas longtemps à atteindre les dieux. Et je déteste savoir que je suis l'objet des conversations des dieux. Sortir de l'ombre et me faire remarquer, ça ne m'a jamais été très bénéfique.

— Je comprends. Se fondre dans la masse, c'est souvent plus facile...

Elle te comprend. Tu n'es sans doute pas la seule à avoir dû utiliser cette technique pour qu'on cesse de t'importuner.

Circé est toujours surprise de constater que malgré leurs vécus complètement différents, elles partagent tout de même beaucoup de points communs. C'est rassurant, de savoir qu'elle a quelqu'un à qui se confier, quelqu'un qui ne va pas la juger. Quelqu'un qui sait ce qu'elle peut ressentir parce qu'elle a vécu la même chose.

A-t-elle déjà eu ce genre de personne sur qui compter ?

Elle n'en est pas certaine. Ce n'était en tout cas pas sa mère, ni même sa soeur.

Ce n'était pas Ulysse non plus, sans aucun doute. En y repensant, Circé se demande s'il a jamais cherché à en apprendre plus sur elle. N'était-il pas toujours en train de monopoliser la parole, racontant ses aventures, ses ruses malhonnêtes, vantant les qualités de l'épouse qu'il était en train de tromper ? Lui a-t-il déjà laissé la parole ?

Elle lâche un profond soupir.

— J'ai dit une bêtise ? demande Ophelia.

Surprise, Circé secoue la tête d'un mouvement vif.

— Pas du tout. Je me disais simplement que je n'avais jamais eu une personne qui me comprenait.

Le sourire de la jeune femme lui réchauffe le coeur.

— Alors merci d'être cette personne.

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