Sur l'île d'Aea, le silence règne. Dans son palais, la magicienne Circé veille. Ses bêtes sont assoupies, elle est seule avec elle-même.
Depuis le départ d'Ulysse, aucun voyageur n'a rompu le calme de son repaire. Après une éternité de malheurs, el...
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La vapeur qui s'échappe de l'eau brûlante fait rougir les joues d'Ophelia. Allongée dans le bain, les yeux fermés, la tête contre la paroi, elle se laisse aller à la détente.
Il lui semble qu'elle ne s'est plus détendue depuis si longtemps ! Mais après cette nuit épuisante, et après s'être réveillée à deux pas du cadavre d'un cochon, le corps ensanglanté, elle mérite bien cette petite parenthèse.
Elle entrouvre les yeux et remarque que l'eau a pris une teinte légèrement rosée.
Elle lève sa main. Le sang a disparu, sa peau retrouve sa blancheur habituelle.
Elle referme les paupières, et souffle un coup pour éloigner la vapeur de son visage.
La nuit ne s'est pas si mal passée, tout compte fait. Ophelia avait seulement peur d'arriver à casser la porte de la maison, et de finir ce qu'elle avait commencé en blessant Circé. Elle ne voulait pas que ni la magicienne, ni la seule nymphe qui lui tient encore compagnie succombent sous ses griffes.
Au final, c'est un des porcs de l'enclos qui a fini en bouillie. Rien que d'y penser, elle en a la nausée. Malgré tout, elle préfère mille fois ça plutôt que de se réveiller à côté du cadavre de Circé.
À ce propos, elle ne sait plus quoi faire. Tôt où tard, elle le devine, Mérope partira à son tour. Et cette fois, Ophelia sera vraiment livrée à elle-même.
Combien de temps va-t-elle devoir attendre ? Combien de temps avant que Circé se réveille, ou qu'elle ne lâche son dernier souffle ?
Pour l'instant, son coeur bat toujours, mais Ophelia commence à désespérer et se demande parfois si ce ne serait pas préférable de porter le coup de grâce à la déesse.
À cette pensée, ses entrailles se serrent. Elle ne peut pas se résoudre à l'idée qu'elle devra peut-être un jour abréger les souffrances de sa bien aimée. Mais elle ne peut s'empêcher de penser qu'ainsi, au moins, elle serait fixée.
Un nouveau soupir s'échappe de ses lèvres.
Arrête un peu de te torturer !
Ophelia fait taire les pensées pendant quelques secondes, et se laisse glisser tout doucement dans l'eau, jusqu'à ce que sa tête soit entièrement immergée.
Et si... Et si c'était moi qui m'en allais ? songe-t-elle, un bref instant. Ce serait presque doux, de partir de cette façon.
Mais alors que ces sombres pensées s'installent dans son esprit, des flashs surgissent avec violence.
Du vent, de la pluie, des vagues déchaînés qui balottent le bateau dans tous les sens, qui s'échouent sur le pont en affolant tous les marins.
D'un seul coup, elle remonte à la surface, suffocante. Elle tousse, évacue l'eau de son nez et de sa bouche. Elle s'agrippe fermement au rebord du bain pour ne pas retomber sous l'eau.
Tout compte fait, je ne veux pas revivre ça, réalise-t-elle.
Cela fait si longtemps qu'elle a failli mourir dans cette tempête, qu'elle en avait presque oublié les images, les sensations, les traumatismes.
Et puis elle repense à Circé.
Si je l'abandonnais de cette façon, elle ne me le pardonnerait pas. Elle m'a pourtant prévenue, je ne me ferai pas avoir par Poséidon !
Ophelia ne peut pas partir. Elle ne peut pas faire ça à celle qu'elle aime, même si la magicienne est pour l'instant bien incapable de réagir.
