Blood's Crown

28.

Kayda et Illara m'accompagnent dans ma promenade dans le jardin, ce matin. Ce jardin est si magnifique, si... féerique, qu'il me semble irréel. Chaque fleur sait où est son emplacement, et leurs couleurs s'épousent parfaitement entre elles. Comme si l'Empereur les avait disciplinée, elles aussi.

Cet endroit est différent de tous les autres. Et j'aimerais m'y perdre jusqu'à la fin de ma vie.

- J'ai entendu dire que tu savais manier l'épée. Me dit Illara. C'est vrai ?

- Oui. Lui répondis-je. Puisque j'allais devenir Reine, mon père m'a appris à manier l'épée.

- C'est trop bien ! S'exclame Kayda. J'ai toujours voulu apprendre aussi, mais mon père et Revan étaient contre.

Je fronce les sourcils, n'en comprenant pas la raison.

- Car vous êtes des princesses ? Leur demandais-je.

- Sûrement. Dit Illara en haussant ses épaules. Mon père n'aimait pas cette idée, et Revan l'a suivi car il voulait le rendre fier.

Plus le temps passe, et plus je collecte des informations sur l'Empereur. Je ne sais pas jusqu'où elle pourront me mener, mais toutes informations sont bonnes à prendre. L'Empereur ne suivrait donc pas ses propres convictions. Il suit celles de son père.

Peut-être qu'il était perdu, après sa mort.

Ou peut-être qu'il est tout simplement aussi détestable que son père.

- D'accord. Avez-vous un endroit où les nouveaux soldats apprennent à manier l'épée ? Leur demandais-je.

- Oui. Dans l'arrière cour du palais, il y a un terrain d'entraînement. Me disent-elles. Une partie est à l'extérieur et l'autre à l'intérieur.

Je hoche la tête.

- Azaël. L'appelais-je.

Azaël, qui était à quelques mètres de nous pour me surveiller, s'approche de moi en courant.

- Je veux que le terrain d'entraînement soit vide pour demain matin. Lui dis-je. Demain, les princesses et moi allons nous entraîner. J'attends également que tout le matériel nécessaire soit présent.

- Votre Majesté... N'est-ce pas meilleur d'en parler avec l'Empereur d'abord ? Me demande-t-il, hésitant.

- Azaël, demain à huit heures, j'attends que tout soit prêt. Lui répétais-je.

Il tente de masquer son hésitation, mais il finit par hocher la tête. Je n'ai pas eu le temps de me retourner que je sens des mains m'entourer. Illara et Kayda me serrent fortement dans leurs bras. J'ai eu un léger frisson lorsque leurs mains entrent en contact avec ma peau, elles sont tellement froides.

- Merci. Me disent-elles en souriant. Merci beaucoup.

Je leur souris en retour. Je sais très bien que l'Empereur sera contrarié de cette décision, mais c'est le dernier de mes soucis. Et je ne pense pas qu'il me fera du mal physiquement. Il ne m'en fait que si je lui en fais en premier. Sa manière de me punir est de s'approcher de moi.

Il veut me faire peur. Me terroriser. Mais il ne sait pas que j'ai vécue pire que ce qu'il me fait subir. L'attitude de ma mère envers moi, et son suicide fait partie du pire que j'ai vécue. Dieu merci que j'ai toujours la tête sur les épaules, même avoir vu ma mère décédée. La façon dont elle est décédée.

- Votre Majesté. M'interpelle Azaël. L'Empereur prévient qu'il ne sera pas présent ce soir. Il a eu une affaire urgente à régler à l'autre bout de l'empire.

Je hoche la tête. Je ne vais pas m'en plaindre. Je vais enfin pouvoir dormir sur le lit. Ma nuque et mon dos commencent à me faire mal à force de dormir sur le sofa. Et je ne peux pas en demander un plus grand sinon ils se douteront que l'Empereur et moi ne dormons pas ensemble.

Si l'alliance ne s'arrêtait qu'à l'acte du mariage, j'aurais pu même continuer à vivre dans mon palais dans mon royaume, sans soucis. Mais tous attendent de nous bien plus qu'un mariage. Ils attendent à ce que nous soyons intimes l'un envers l'autre, que nous partageons le même lit chaque soir et que bien-sûr, je porte l'héritier de l'empire.

Et j'ai peur de craquer sous la pression.

Une fois, il m'est arrivé de me réveiller tard avec un mal de dos. Je me souviens encore du regard gêné des servantes lorsque je m'en suis plains. Je n'avais compris que bien plus tard. Bien trop tard. Et je suis certaine qu'elles n'ont fait que des commérages à ce propos durant toute la journée. Ensuite, j'ai bien fais attention à ce que je disais et faisais.

Je pense que dans quelques années, je dirais à l'Empereur d'annoncer à son peuple que je suis stérile ; bien que je ne sache pas si je le suis réellement ou non. Puis il ne sera plus grave pour lui d'avoir une maîtresse. Il en aura le droit. Et moi, soit je me remettrais à voir Edham comme avant, soit je pourrais tomber amoureuse d'un autre homme.

C'est si frustrant de ne rien connaître du futur. Vais-je tomber amoureuse ? Vais-je finir seule ? L'Empereur va-t-il finir par me tuer ? Vais-je mourir ? Tant de questions, tant d'incertitude.

Mais je suppose que je n'aurais aucune réponse pour le moment. Je vais devoir vivre comme tout mortel sans savoir de quoi sera fait demain...

- Alors dînons ensemble, ce soir. Me disent les jumelles. Puisque notre frère n'est pas là.

Je hoche la tête. Et je me demande si ma facilité à établir une relation avec les sœurs de l'Empereur est réellement dû à leur ignorance sur la situation. Et si c'est car je n'ai rien à leur reprocher ? Car elles ne m'ont personnellement rien fais ?

Et cette possibilité me retourne l'estomac car cela veut dire que si l'Empereur n'avait pas tué mon père, j'aurais peut-être eu une relation avec lui. Ou du moins, nous n'aurions pas été ennemis. Et j'aurais fais honte à mon père.

Je suis dégoûtée par moi-même et ma faiblesse. J'aurais dû rester leur ennemi. Lui et ses sœurs. Est-ce aussi facile de donner mon cœur ? De faire confiance ?

Mais maintenant, c'est trop tard pour les regrets. Je ne peux pas retirer ma confiance envers elles, tant qu'elles ne m'aient pas trahis.

Et je suppose que ce n'est pas très grave, tant que l'Empereur reste mon ennemi.

Car s'il ne l'est plus, je vais devoir commencer à sérieusement m'inquiéter.