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- J'avais raison. Entendis-je.

Je tourne la tête autour de moi, jusqu'à trouver la source de cette voix. Et lorsque je la vois, je sens tout mon corps trembler.

- Maman ?

Elle ne me regarde pas. Elle parle à quelqu'un. Et en mapprochant, je vois que ce quelqu'un n'est d'autre que mon père. Lorsqu'il me remarque, il me regarde d'un air déçu, dégoûté.

- Cette fille nous a trahis. Cette fille n'est pas notre fille. Dit-elle.

- Papa ?

Aucun d'eux ne me répond.

- Papa ?

Silence.

- Papa !

Toujours rien. Et les larmes me montent aux yeux. Je les ai déçus. Ils ne veulent plus rien à voir avec moi.

- Demande-lui. Dit ma mère. Demande-lui de te rendre des comptes, parce que moi, seulement la voir m'irrite.

Je sens mille poignard dans le cœur. Et encore, mille poignard ne seraient jamais aussi douloureux que ses paroles. Enfin, mon père se tourne vers moi. Pas parce que je suis sa fille. Parce que ma mère le lui a demandé.

- Cela en valait-il la peine, Venelia ? Être avec le meurtrier de ton père ? Me demande-t-il. Allez, ‏je n'ai rien dis pour le mariage car tu étais forcée... mais tu es partis trop loin. Tomber amoureuse de lui, vraiment, Venelia ? Après cela je peux dire que tu ne m'as jamais réellement aimé comme ton père

- Papa, je suis tellement désolé. Dis-je en pleurant. Je sais que je suis allé trop loin mais je le déteste toujours, papa ! Je le haïs, même !

- Oh, s'il te plaît, épargne-moi tes excuses. Qui coucherait avec une personne qu'il déteste ? Tu sais ce que je vois après cela, Venelia ? Tu-

Mais je n'ai pas entendu le reste. Quelque chose a bouché mes oreilles. Deux mains. Il ne fait qu'un petit espace pour que je ne puisse entendre que sa voix.

- Réveille-toi, Venelia. Me souffle-t-il. Épargne-toi cette douleur.

Revan. Il est là.

Je me concentre sur sa voix, rien que sa voix, en tentant d'oublier l'expression de dégoût, de colère et de déception sur le visage de mon père...

Je me lève en sursaut, tenant fortement le bras de Revan. En le voyant réveillé, me regardant inquiet, je comprends qu'il s'est introduit dans mon rêve.

Je sais que je devrais m'éloigner de lui après ce faux-rêve. À la place, je me retrouve à sombrer dans ses bras, à relâcher toutes les larmes que j'ai contenue en moi. Je m'en veux de ne plus pouvoir m'éloigner. Je m'en veux de trouver son odeur rassurante.

Je m'en veux de me sentir chez moi dans ses bras. Je m'en veux de ressentir qu'être avec lui est tout ce dont j'ai toujours eu besoin, et je me suis faussement persuadée que ce n'était pas le cas.

- Je te déteste. Dis-je en pleurant, tentant de m'en convaincre. Tout est de ta faute. Même dans l'au-delà, je n'ai plus personne ! À cause de toi !

- ... Venelia, les âmes des morts ne connaissent pas la rancune. Me dit-il doucement. Ils vont te pardonner. Tu es leur fille.

Je ne le suis pas. Je ne l'ai jamais été. Peut-être pour mon père, mais jamais pour ma mère. Et chaque fois que je pense à elle, cela me laisse un goût amer dans la bouche. Des années après, et je n'arrive toujours pas à lui en vouloir.

- Si tu m'avais tué dès le départ, je t'en aurais voulu mais j'aurais été heureuse ensuite... Dis-je les larmes aux yeux. Tue-moi, Revan. Tu as eu ce que tu voulais de moi. Tue-moi, ainsi... peut-être me pardonneront-ils ?

- Non ! Ne dis pas n'importe quoi. Dit-il en colère. Je ne te tuerais pas, et tu ne mourras pas. Tu vas te lever, sécher tes larmes et montrer à tes parents que tu seras plus puissante qu'ils ne l'auraient jamais été. Ils verront que la terre entière sera à genoux pour toi ! Elle se pliera à toi. Tu m'entends ? Tu vas oublier la mort.

Je lève mes yeux larmoyants sur lui, il a parlé si fermement que je me suis demandé un instant s'il voulait réellement mon bien.

- Et... je n'ai toujours pas eu ce que je voulais de toi. Je ne l'ai toujours pas eu. Dit-il en pointant mon cœur. Peut-être qu'un jour, tu me le donneras. Et je l'accepterais. Moi, j'ai un cœur qui ne bat pas. Alors le tien battra pour nous deux. Ainsi, nous ne ferons véritablement plus qu'un.

Notre chambre me rend vulnérable. C'est la seule solution plausible qui me vient à l'esprit. Car malgré toutes les larmes qu'il a fait couler, malgré les pertes qu'il m'a causé, malgré la haine que je lui vouais, j'ai envie de le croire sincère. J'ai envie de m'envelopper dans ses bras éternellement.

Je lève alors la tête et pose mes lèvres sur les siennes, mêlant ainsi mes larmes et nos lèvres. Cette fois, et pour la première, notre baiser n'est pas rempli de désir ou de luxure. Non... pour la première fois, c'est un baiser sincère, compatissant.

Mon cœur a finalement explosé de passion. Il a voulu exprimer ses émotions mais les mots ne suffisent pas à traduire. Ainsi il parle à travers ses actions, sans rien dire. C'est ainsi que le cœur se fait entendre, et que les sentiments s'expriment en silence.

- Chaque jour, je me sens plus profondément obsédé par toi. Loin de guérir cette obsession, tu l'alimentes encore plus. Murmure-t-il contre mes lèvres. Comment une simple mortelle peut-elle m'avoir ensorcelé, au point de me plonger dans un tel état ?

Mon cœur s'emballe. Il bat. Très vite. Il ne le devrait pas.

- Je dois l'avouer tout de suite. Venelia, je suis fatigué. Si fatigué de devoir prétendre que je te déteste, alors que c'est tout sauf le cas. Souffle-t-il. Je ne te déteste plus. Depuis si longtemps. Et je sais que toi aussi. Tu dois me l'admettre.

- Non. Non, ne dis pas de bêtises. L'interrompé-je. Tu te berces d'illusion.

Je me lève enfin du lit, brisant ce petit moment de confiance entre nous. La peur me vient. J'ai peur que ce qu'il dit soit vrai. J'ai peur que son obsession devienne bien plus. J'ai peur, tout simplement, d'un ennemi amoureux.

- Venelia...

- Allons déjeuner. Changé-je de sujet.

Et sans l'attendre, je pars me préparer, espérant qu'il n'ouvre plus jamais le sujet...

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant