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Je fais les cents pas à l'extérieur du palais alors je vois de la fumée et des flammes en sortir. C'est Venelia. C'est Venelia qui a fait tout cela. Pour la première fois de ma vie, je me sens impuissant. Je sens que mes pouvoirs ne sont pas assez, que je suis faible face à elle.

Et je suis confus. Je n'arrive pas à comprendre comment une mortelle puisse avoir autant de pouvoirs.

- Petit prince. Entendis-je.

Je me retourne soudainement, ce surnom résonnant dans mes souvenirs. Venelia est là. Elle sort du palais, ses ailes ont disparu, mais son allure est majestueuse, effrayante, puissante. Je suis définitivement impressionnée par elle.

Sans que je ne puisse dire un mot, elle saute dans mes bras et me serre fortement. Je ferme les yeux et la serre dans mes bras à mon tour, nichant ma tête dans son cou et humant son odeur.

- Je me souviens. Souffle-t-elle. Je me souviens de toi, de nous.

Je souris. Tout comme moi, elle a dû avoir des souvenirs qui reviennent progressivement. Tant de temps nous a été volé, tant de temps que je ne pourrais pas rattraper...

- Venelia, que s'est-il passé à l'intérieur ? Lui demandé-je. Tu es humaine... tu ne peux pas avoir de pouvoirs.

Elle soupire puis me regarde dans les yeux.

- Peux-tu nous emmener dans un endroit calme ? Me demande-t-elle.

Je hoche la tête. Je l'attrape par la taille et cours jusqu'à une haute falaise, proche des montagnes, par laquelle nous pouvons voir tout l'empire ainsi que les royaumes voisins. Je m'assois sur un rocher, et elle fait de même.

Elle s'assoit face à moi puis me prend par les mains.

- Ce que je vais te dire m'est difficile à raconter. Dit-elle doucement. Alors ne m'en veut pas de n'avoir rien dis jusqu'ici...

- Je ne t'en voudrais jamais.

Elle me fait un petit sourire avant de se lancer dans son récit :

- Ma mère ne m'a jamais aimé. En fait, elle me détestait. J'étais son fardeau. Commence-t-elle, et je pouvais déjà sentir comme un nœud se former dans sa gorge. Elle faisait une crise de colère lorsqu'elle me voyait assise à table avec elle et mon père, où elle se disputait toute la nuit avec mon père lorsqu'il venait me raconter une histoire que je dorme. Elle voulait m'envoyer plusieurs fois loin du royaume, mais mon père a toujours refusé. Mon existence la rendait malade.

Les mains de Venelia se mettent à trembler, elles voulaient les cacher mais je la tiens fortement. C'est la première fois qu'elle s'ouvre à moi, et j'ai envie d'être à son écoute, d'être à ses côtés...

- Au départ, je ne comprenais pas. Quelle mère détesterait son enfant à ce point ? Dit-elle, et sa voix se brise. Qu'est-ce que je lui avais fais pour mériter ce traitement ? Mais plus tard... j'ai moi-même détestée ma propre existence.

Je fronce les sourcils, retenant ma colère. Je vois dans mes souvenirs une Venelia très mal en point, qui voulait que je la rende malade en buvant beaucoup de son sang, et maintenant, je fais le lien avec sa mère...

- Je ne suis pas la fille biologique du roi des mortels. Annonce-t-elle. C'était la révélation qui m'a été faite, peu avant la mort de ma mère. Elle me l'a criée au visage, quand je demandais à mon père  de rester à mes côtés pendant un orage.

Et le choc est puissant. Je veux parler, la réconforter, mais les mots ne sortent pas.

- Le palais a été attaqué avant ma naissance. Papa était à la guerre contre ton père. Et maman était seule. Dit-elle les larmes aux yeux. Les gardes ont réussis à attraper ceux qui nous ont attaqués, mais c'était trop tard car l'un d'entre d'entre est rentré dans l'appartement de maman... il a abusé d'elle, avant qu'il ne se fasse tuer.

J'écarquille les yeux. C'est de pire en pire. Je me lève et m'assois à ses côtés. J'amène sa tête contre mon torse, lui montrant par tous les moyens que je suis à ses côtés.

- Neuf mois plus tard, je suis née. Maman a tout fait pour avoir une fausse couche, mais je suis née. Dit-elle faiblement. Elle m'a détestée depuis, et chaque fois qu'elle me voyait, elle se rappelait de cette nuit. Papa, lui, a fait de moi sa fille bien que je ne sois pas de son sang. Il m'a élevé comme la futur reine du royaume, et a tenté de combler l'absence de ma mère dans ma vie.

Je caresse ses cheveux alors que je sens des larmes couler sur ma chemise. Quel mots peuvent être dit pour apaiser son âme... ?

- Et maintenant, je suppose que j'ai mes pouvoirs de mon... géniteur. Dit-elle doucement. J'ai déjà eu quelques doutes quand tu as trouvé ce document qui disait qu'il y a une princesse qui n'est que mi-humaine.

J'ai oublié cette histoire de pouvoir pendant un instant, et si je savais que cette question cachait une réponse aussi poignante, je n'aurais rien dis...

- Est-ce que je suis une mauvaise personne ? Me demande-t-elle.

- Pourquoi dis-tu cela, Venelia ? Dis-je doucement. Tu n'as rien choisis. Tu...

- Non... parce que j'ai certes été effrayée quand j'ai vu le corps pendu de maman, mais je n'ai pas pleuré. Reprend-elle. Suis-je une mauvaise personne parce que je me suis sentis bien, à sa mort ?

Je relève sa tête pour planter mon regard dans le sien.

- Tu n'es pas une mauvaise personne. Lui assuré-je. Tu es une bonne personne. Et si besoin, je le répéterai autant de fois qu'il le faudra.

Elle me sourit légèrement, un sourire cachant une grande peine et détresse.

- C'était très dur, Revan, chuchote-t-elle, de se dire que la seule raison pour laquelle ta mère souffre est ton existence... j'ai eu l'impression que je ne méritais aucun amour. Que personne ne m'aimerait, si ma propre mère ne pouvait pas le faire. Quand elle est morte, j'étais heureuse de ne plus l'entendre faire une crise chaque fois qu'elle me voit... me rappelant que j'aie le sang de son monstre.

Je la serre fortement dans mes bras, refusant de la laisser. J'ai envie de lui dire que sa douleur est terminée, et que je ferais tout pour la rendre heureuse. J'ai envie de lui dire que sa guerre intérieure est terminée, qu'elle peut déposer les armes, car elle a enfin à ses côtés quelqu'un qui l'aimera indéfiniment et qui deviendra sa maison.

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant