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Trois jours sont passés. Et j'ai l'impression que ces trois jours sont passés si lentement. Les minutes me paraissaient comme des heures, et les secondes comme des minutes. La seule personne que je vois est Azaël, deux fois par jour. Il dépose mon plateau, puis s'en va.

Et bien-sûr, le fantôme de l'Empereur ne me lâche pas, me rappelant constamment le crime que j'ai commis. Parfois ce fantôme disparaît, et parfois il revient. Mais c'est la seule compagnie que j'ai. Et j'ai l'impression de perdre la tête. Tout le monde m'en veut, je ne me sens pas en sécurité et ce fantôme ne cesse de me reprocher ma propre situation.

Même les seules personnes auxquels je faisais un peu confiance ne veulent plus rien à voir avec moi. Azaël, Illara et Kayda. Azaël me parle froidement, Illara et Kayda refusent de me voir. La meurtrière de leur frère.

D'ailleurs, de ce que j'ai entendu, l'Empereur a été enterré hier. Et ce soir, Illara se fait couronner. C'est si étrange. J'ai l'impression de vivre quelque chose de faux. Mais encore une fois, lorsque mes yeux tombent sur cette cellule et ce fantôme, je me rappelle que je ne rêve pas.

Et je me demande ce que fait Edham. Pense-t-il que je me suis enfuie, mais que je ne veux pas le revoir ? Ou bien, sait-il que je suis enfermée ici ? D'une part, j'espère qu'il vienne me sauver mais d'une autre part, j'ai peur qu'il mette sa vie en péril.

Je dois accepter le fait que je resterais ici jusqu'à la fin de ma vie, sauf si la nouvelle impératrice me fasse grâce et me pardonne.

Quelle humiliation.

- Venelia, je pense qu'il est temps pour moi de partir. Me dit le fantôme.

- Pourquoi ? Dis-je en riant légèrement, la tête posée contre le mur. Je pensais que vous alliez me hanter jusqu'à la fin.

Il se lève ensuite et se met face à moi.

- Quelqu'un d'autre prendra ma place. Me prévient-il.

- Mon père ?

Il ne répond pas. Si le fantôme de l'Empereur est ici, alors le fantôme de mon père ne devrait avoir aucun mal à me venir. Enfin, c'est ce que j'espère.

- Bon courage.

Et sur ces mots, il disparaît. Je soupire puis ferme les yeux. Je sens très rapidement la solitude. Et j'ai froid. Très froid. J'entoure mes bras autour de moi-même, pour me réchauffer.

Et soudainement, j'entends quelqu'un qui est en train de s'étouffer, de manquer d'air. J'ouvre rapidement les yeux, la peur me paralyse. Je reconnais que trop bien ce son. Et le fait que je puisse le reconnaître me terrifie. Cette fois, mon père n'est pas là pour me tenir dans ses bras.

Cette fois, je dois l'affronter seule.

J'aurais préférée que le fantôme de l'Empereur reste.

Je tourne ma tête vers le côté, espérant que ce bruit vienne de mon imagination. Mon cœur s'arrête. Cette vision est effroyable. Mon corps se met à trembler. Et tout ce qui sort de moi est un cri étouffé par mes larmes.

Je ne sais pas comment cela est arrivé, mais je ne suis plus assise sur le lit. Je suis au sol, collée contre le mur et recroquevillé contre moi-même.

En face de moi, il y a une femme. Cette femme qui m'a donné naissance. Cette femme qui ne m'a jamais considérée comme sa fille. Maman.

Son corps est suspendu sur le plafond. Comme le jour où je l'ai trouvé dans sa chambre.

- Maman ! M'écriais-je. Non, non !

Très rapidement, je me mets à sangloter. Mon corps entier se met à trembler. Je pose mes mains sur ma tête, tirant mes cheveux, insérant mes ongles dans mon crâne. Je voulais que la douleur que je m'inflige m'aide à oublier la vision qui s'offre à moi.

- Azaël ! Dis-je en pleurant. Viens, je t'en prie ! Que quelqu'un vienne !

Mais aucune réponse. Je suis seule dans ma cellule, avec le corps de ma mère. Comme si en tuant l'Empereur, tous mes traumatismes anciens me reviennent pour me punir. Tout ce que j'ai tenté tant bien que mal d'oublier refait surface.

Et j'ai l'impression que ma respiration s'arrête. J'ai l'impression que l'air n'est soudainement plus assez.

- Mon Dieu... sanglotais-je. Je ne le voulais pas ! Pardonne-moi ! Je ne savais pas qu'il allait mourir ! Mon Dieu, je ne le voulais pas, je ne savais pas !

À genoux, je finis par faire tomber mes bras et mon corps en avant. J'amène mes mains contre mon cœur qui me brûlait depuis tout à l'heure. Personne n'est là. Papa n'est pas là. Edham n'est pas là. Personne n'est là.

Papa. Papa, où es-tu ? Tu m'avais serré dans tes bras, ce jour-là. Je ne veux pas le revivre sans toi. L'horreur, la terreur, la souffrance est tout ce qui me reste. Papa, je t'en supplie, je t'en prie, je ne veux pas que tu me réconfortes.

Sauve-moi.

Sauve moi de cet enfer.

Je veux que tu me sauves.

- Venelia !

Je continue de pleurer. Je continue de sangloter. Mon corps continue de trembler. Je perds la notion du temps, je ne sais plus où je suis réellement. Tout ce que je sais, c'est que le corps de maman est devant mes yeux.

Maman qui n'a vu aucune autre solution que la mort.

Finalement, ils ont sûrement raison. Les humains, nous sommes la pire des espèces. Nous sommes cruels. Et à cause de cette cruauté, maman est partit. Maman m'a laissé voir son corps une dernière fois. Maman a voulu me faire mal en imprègnant l'image d'un cadavre dans mon esprit.

Je n'étais qu'une enfant.

Maintenant, je suis une adulte.

Et je souffre toujours autant.

- Venelia !

Enfin, je sens des mains froides me relever. La souffrance est si grande que je prends du temps à comprendre. À comprendre que quelqu'un a ses mains sur moi. Que maman a disparu. Que je ne suis plus seule.

Et je comprends que ma réalité n'était qu'un mensonge.

Car la personne face à moi, n'était autre que l'Empereur, en chair et en os.

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant