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L'Empereur vient d'arriver pile au moment du dîner. Il s'assoit à sa place habituelle, avec du sang séché sur son visage.

- Vous êtes blessés ? Lui demandais-je.

Et lorsqu'il me regarde, je me rends compte de l'idiotie que je viens de prononcer. Bien-sûr que non, il n'est pas blessé...

- Non. Je ne peux pas. Me répond-il.

Je ne lui réponds pas et me concentre sur mon plat. Avant toute chose, il se sert d'un verre de sang, et il ne prend rien d'autre. Il reste assis seulement.

- Vous ne mangez pas ? Le questionnais-je.

- Non. J'ai eu mon repas un peu plus tôt dans la journée. Me dit-il.

Je hoche la tête. J'essaie de ne pas respirer par le nez, tout en mangeant. L'odeur du sang s'est répandu dans toute la salle, et je ne peux que me sentir nauséeuse. Je pensais que j'allais finir par en être habituée, mais non.

- Tu ne me demandes pas ce que j'ai mangé ? Ou est-ce que j'ai mangé ? Me demande-t-il.

- Pourquoi le demanderais-je ? Dis-je en haussant des épaules. Si vous le vouliez, vous me l'auriez dit.

Il me regarde longuement sans bouger. Je me racle la gorge, son regarde me déstabilisant fortement.

- J'ai bu le sang d'un humain. Admit-il. Entièrement.

Les yeux écarquillés, je retiens mon envie de vomir. Je ne sais pas pourquoi cela me fait cet effet, alors que ce n'est que logique. Tout le monde sait de quoi se nourrisse les vampires, je ne suis pas une exception...

Il ne dit toujours rien et continue de me fixer. Je me nettoie la bouche avec ma serviette avant de la poser sur la table, et reculer légèrement ma chaise pour lui faire comprendre que je n'ai plus faim. Mon appétit a été coupé.

- Je... je ne sais pas quoi vous répondre.

- Dis-moi que je te dégoûte. Me dit-il doucement. Que je suis un monstre.

Je détourne le regard, ne pouvant évidemment pas lui reprocher cela. Je ne peux pas lui demander d'aller à l'encontre de sa nature. Mais je ne nie pas le fait que oui, cela me dégoûte. Et me rappeler que j'ai embrassé la même bouche qui a bu le sang d'un mortel me dégoûte encore plus.

C'est l'acte qui me dégoûte.

Pas lui.

- Venelia ?

- Je vais retourner dans notre chambre. Dis-je simplement.

Puis je me lève, mais il m'arrête rapidement. Je ne sais pas pourquoi, mais à cet instant, une pensée me vient. Je suis une brebis, qui vit avec un loup. Le chasseur qui vit avec sa proie. Je ne sais même pas si c'est difficile pour lui de se contrôler, quand il est avec moi. S'il est tenté de boire tout mon sang.

- Non, vous ne me dégoûtez pas. Dis-je d'une petite voix. Maintenant que c'est dit, puis-je retourner dans la chambre ?

Il me tient toujours pas le bras, mais me regarde avec surprise. Je pense même qu'il est agréablement surpris. Il finit par faire un sourire en coin.

- Allons nous promener dans le jardin. Me propose-t-il. Retourner dans la chambre la nuit comme les enfants est ennuyant.

- Que voulez-vous faire dans le jardin ?

- Je ne sais pas... juste marcher et parler. Dit-il en haussant des épaules. Ce n'est pas trop demandé, n'est-ce pas ?

Je veux aussi changer nos habitudes, alors je hoche la tête. Il me prend par la main et m'emmène dans le jardin, comme si je ne connaissais pas le chemin. Une fois à l'extérieur, il ralentit et me laisse marcher à ses côtés.

J'ai comme l'impression qu'il tente de me faire oublier ce que l'on vient de discuter. D'oublier le sang et tout ce qui s'en suit. Et ce n'est pas plus mal. Je n'avais pas très envie d'y penser.

- J'aimerais que tu me tutoies désormais, Venelia. Et que tu commences à m'appeler par mon nom aussi. Me dit-il.

- Je ne préfère pas. Lui répondis-je.

- Mmh. Et pourquoi cela ? Me demande-t-il. Trop effrayée d'aimer le son de mon nom dans ta bouche, Venelia ?

Je roule des yeux. La vérité c'est que je n'ai pas envie de me sentir proche de lui. Prononcer son nom me semble si intime. Je l'ai certes fait deux fois, mais je pensais qu'il était mort la première fois et la deuxième était pour lui faire reprendre ses sens.

- Comme vous aimez le son de mon nom, apparemment. Rétorqué-je. Puisque vous ne cessez de le dire à tout va.

- Je l'admets, Venelia. Dit-il d'une voix rauque. Ton nom m'ensorcèle.

Je m'assois sur l'un des bancs, me sentant gênée. Je pensais qu'il l'aurait nié. L'Empereur s'assoit à mes côtés, puis lève les yeux vers le ciel. Je suis son regard, sentant un semblant de tranquillité en voyant les étoiles briller dans le ciel.

- J'aimerais que l'on apprenne à mieux se connaître. Dit-il après un long silence. Nous sommes mariés depuis plusieurs mois, pourtant je ne connais rien de toi et tu ne connais rien de moi.

- Nous sommes ennemis. Lui dis-je. Partager notre passé n'est pas la meilleure des idées.

- Nous ne sommes plus ennemis. Dit-il d'un air las. Nous sommes mari et femme. Tu dois l'accepter maintenant. Je veux que ce mariage devienne réel.

Je tourne vivement la tête vers lui.

- Pourquoi ne prenez jamais vous en compte ce que moi je veux ? Lui demandais-je.

Il me regarde, les sourcils froncés.

- Que veux-tu de plus, Venelia ? Me demande-t-il. Grâce à moi, tu as une famille. Si ce n'était pas pour ce mariage, tu aurais été dans ton palais, seule, sans aucune compagnie.

- À cause de vous, le rectifiais-je, vous m'avez pris ma seule famille. Mon père.

- Tu vas encore me le reprocher longtemps ? Dit-il. Ce n'est pas comme si c'était un assassinat. C'était un combat. Et j'ai gagné.

Je lève la tête vers le ciel pour ne plus avoir à le regarder. Je le déteste. Je déteste tellement qu'il ne le regrette pas. Et je me déteste d'être ici avec lui, discutant comme si de rien n'était...

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant