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Plusieurs jours sont passés, et je n'ai toujours adressé aucun mots à l'Empereur. Il tente de faire à chaque fois la conversation, il tente de me taquiner, de me faire réagir mais il n'a que mon silence comme réponse.

Azaël aussi. Je ne cherche plus à discuter avec lui, si ce n'est que pour lui donner des ordres.

Je pense les seules personnes avec qui je parle sont Illara et Kayda. L'Empereur ne leur a pas dit que j'étais emprisonné. Il leur a dit que j'étais retourné quelques jours dans mon royaume, pour rendre visiter à mon père. Elles l'ont bien-sûr crues. Et elles étaient choquées d'apprendre la réalité derrière ce mensonge.

- Venelia, n'allez-vous pas parler, enfin ? Me dit-il.

Je continue de lire mon livre, sans lui porter attention et je suis bien consciente que cette situation l'irrite. Mais ce n'est pas lui qui a recommencé à faire des cauchemars pendant plusieurs jours, à cause de ses stupides illusions.

Je recommence peu à peu à m'endormir sans me réveiller en pleine nuit, en sursautant et tremblante. Lui, bien-sûr, n'en sait rien car il dormait si paisiblement. Comme s'il n'avait aucun problème dans sa vie. Et j'en arrivais à l'envier. Moi aussi, je voulais dormir paisiblement. Moi aussi, je voulais oublier que j'ai des problèmes, rien que pour les faire disparaître sur la surface.

- Écoutez, je m'excuse. Dit-il doucement. J'ignore ce que vous avez bien pu voir ce jour-là, mais je suis désolé. Je reconnais ma faute.

Je reste figé sur la page que je tiens, sans bouger. Vient-il réellement de s'excuser ? Je ne rêve pas ?

- Répondez. Me demande-t-il. Répondez, s'il vous plaît. Je viens d'écraser ma fierté pour vous.

Je lève enfin mes yeux vers lui, et bien que je ne vois aucune émotion sur son visage, j'arrive à décerner un léger regret dans son regard.

- Je vous pardonnerais si vous brisez nos liens. Lui dis-je d'un ton sec.

Il fronce immédiatement les sourcils.

- Ce n'est pas possible, Venelia. Rétorque-t-il. Nous sommes mari et femme, sans cela, nous sommes rien.

- Et c'est bien cela le problème. Dis-je en colère. Nous sommes rien, de toute façon. M'avez-vous touchés ne serait-ce qu'une fois ? Non. Vous laisserais-je me toucher ? Non. M'avez-vous entendus prononcer votre nom ? Non plus.

Il soupire avant de redresser sur le sofa.

- Cessez de vous mentir. Nous ne sommes pas mari et femme. Dis-je fermement. Ce que nous avons en plus c'est simplement... si vous mourez, je mourrais avec vous. C'est tout.

- Peu importe. Vous êtes ma femme, ma femme légitime. Me répond-il. Je vous dis de mettre cette haine que vous me vouez de côté. Votre vie n'est pas si longue. Ne la gaspillez pas avec cette haine. Puis dans l'au-delà, vous aurez l'éternité pour me haïr.

Je me lève alors d'un coup.

- Je refuse de passer toute ma vie avec vous. Dis-je. Je ne peux pas être votre ami, alors être votre femme ? Si vous pensez réellement que c'est possible, alors je suis vraiment désolé pour vous.

Soudainement, son regard s'assombrit. Il fait un sourire en coin, mais ses yeux ne sont plus les mêmes. Comme si tous ses sentiments s'en sont allés. Et je dois dire que cela est effrayant.

- Tout est possible, ma chère.

- Non ! Même si vous faites revenir mon père à la vie, vous n'aurez toujours rien de moi. Dis-je froidement.

- À ce point ? Dit-il en riant.

Mon sang chauffe. Je ne sais même pas pourquoi je lui ai répondue, j'aurais dû continuer à l'ignorer. Mais le voir aussi relâché alors que je bouillis de rage, m'irrite.

- Si vous m'en laissez la chance, vous ne serez pas que ma femme, Venelia. Me dit-il d'une voix grave. Je ferais de vous la plus puissante des femmes que nul être n'a pu voir. Vous n'aurez besoin que de lever un doigt pour contrôler le monde entier.

C'est toujours ce que j'ai voulu. J'ai voulu avoir du pouvoir. Être intouchable. Surpasser tout le monde. Mais pas pour moi. Pour toutes les personnes que j'ai aimée. Je déteste me sentir impuissante, et savoir qu'avoir le pouvoir et le contrôle absolu m'empêchera de ressentir cette impuissance me tente.

Mais je ne veux pas avoir de pouvoir à travers lui. Je sais qu'il me rappellera à chaque instant que c'est grâce à lui. Et je veux encore moins me soumettre à sa volonté.

- Je pense qu'il est temps pour nous que l'on fasse la paix. Me propose-t-il.

- Je ne veux pas de paix. Dis-je d'un ton neutre.

- Même pas pour votre sœur ?

Tous mes sens s'éveillent. Ma sœur ? Cela ne peut pas être possible. C'est impossible.

- De quoi parlez-vous ? Ma sœur est décédée. L'un d'entre vous l'a tué ! Dis-je en fronçant les sourcils.

- Si mon père avait commis un acte pareil, il s'en serait vanté. Mais il l'a nié. Et moi, j'étais encore un enfant. M'explique-t-il. Soit elle a été tué mais pas par nous, soit elle est toujours en vie. Venelia, il y a une possibilité que votre sœur soit en vie.

Je reste figée. Pas possible. Cela n'est pas possible. Papa m'a dit... il a dit qu'elle est morte ! Mais ce qu'il dit a du sens... et je ne sais pas comment contrer son argument.

- Pourquoi me dites-vous cela ? Lui demandais-je.

- Pour vous montrer ma bonne volonté. Je veux la paix. Me répond-il. Nous sommes des adultes mais agissons comme des enfants l'un envers l'autre, bon sang ! J'ai mes torts et vous avez les vôtres. Nous sommes aussi fautifs l'un que l'autre. Et je sais que votre instinct d'héroïne vous pousse à détester le méchant que je suis, mais pour une fois... pour une fois, je vous demande que nous faisons un cessez-le-feu.

Il a l'air si sincère en disant ses mots. Mais je ne sais pas si je le peux. Il est le meurtrier de mon père, et... et je ne sais pas si je pourrais l'oublier.

- Que savez-vous de ma sœur ? Demandais-je.

- Rien, pour le moment. Rien, si ce n'est le fait qu'elle pourrait être votre demi-sœur, puisqu'elle n'est pas 100% humaine.

Je blêmis. Elle n'est pas humaine ? Elle n'est pas ma véritable jumelle ?

- ... D'accord.

- D'accord ? Répète-t-il.

- D'accord, faisons la paix. Rien que pour ma soeur. Rien que pour la retrouver.

Rien que pour elle...

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant