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Mon sang se glace. Ma crise d'hystérie prend fin. L'Empereur est là, face à moi. Et je sens la colère monter en moi, alors que je réalise peu à peu ce qui m'arrivait. Ses illusions. Il utilisait ses illusions contre moi, me faisant croire qu'il était mort.

- Vous... Dis-je faiblement. Vous êtes en vie.

Je me tiens désormais face à lui, et il me regarde longuement sans rien dire. Des larmes de rage me montent aux yeux. Je veux le détruire. Je veux le voir souffrir. Je veux que chaque parcelle de son corps soit en feu. Je veux que le poids de ma colère s'écrase contre lui, ne laissant rien d'autre que de la poussière après lui.

- Je pensais que vous l'auriez devinés. Me dit-il.

Je ne dis rien, ne montre aucun signe.

- Azaël ne vous aurait jamais appelé "votre Majesté" si je n'étais pas en vie. Me dit-il en réponse face à mon silence. Et vous aurez sûrement été torturés dans cette prison.

J'aurais préférée qu'il me torture. La torture physique m'est préférable à celle que je viens de vivre. La torture émotionnelle.

- Venelia, dites quelque chose. S'exclame-t-il. Parlez, criez, insultez-moi s'il le faut. Dites quelque chose.

- Je n'ai plus rien à vous dire. Dis-je froidement.

Il recule légèrement. Je ne le regarde même pas dans les yeux. Je sais, je l'ai empoisonné et il ne va certainement pas rester sans rien faire. Ce n'est pas ce que j'attends de lui.

- Vous êtes partis trop loin, cette fois. Beaucoup trop loin. Dis-je.

- Vous êtes en colère. Dit-il doucement. Vous voulez me tuer.

Et là, je n'arrive plus à me contenir.

- Oui, je veux vous tuer ! M'écriais-je. Je veux vous voir souffrir, je veux que vous vous jetez à genoux devant moi, à me supplier de vous épargner ! Je vous déteste tellement ! Je vous haïs !

- Tout cela, parce que je vous ai fais croire que j'étais mort ?

- NON ! Non ! Ne faites pas semblant ! L'illusion que vous venez de faire, vous... commençais-je, les lèvres tremblantes de colère, vous êtes cruel.

Il agit comme s'il venait de comprendre le problème rien que maintenant.

- J'ai simplement créé une illusion de votre pire cauchemar. Me dit-il. Je ne sais pas ce que c'était. Tout ce qui s'est matérialisé devant vous était votre plus grand cauchemar.

Je me mets à rire, sarcastiquement. Comme si cela était une excuse. Mon corps tremble toujours, mes larmes n'ont toujours pas séchés de mon visage. Sa punition était bien plus cruelle que ce que je lui ai fais subir.

- Et je vois que votre plus grand cauchemar vous terrifie.

Je voulais lui crier à la face que c'est normal. Je voulais lui dire que je ne resterais pas neutre alors que je voyais le corps de ma mère face à moi. J'ai témoigné le suicide de ma mère deux fois. Deux fois de trop. Mais je me retiens. Il semble ne pas le savoir, alors je ne vais pas exposer moi-même ma propre vulnérabilité.

Je me suis déjà assez humiliée, je ne vais pas en rajouter une couche.

- Allons-y, chère épouse. Me dit-il. Votre châtiment est terminé. Vous pouvez reprendre votre place.

Je lui lance un regard noir puis sors de la cellule en prenant soin de le bousculer. Je ne l'attends pas et sors de la prison. Je remonte dans l'appartement, sous le regard étonné des gardes et servantes.

Savent-ils d'où je viens ? Savent-ils ce que j'ai vécue ?

Je suis déjà faible à leurs yeux puisque je suis humaine. S'ils savent tout, ils penseront que je suis d'autant plus faible.

Je rentre enfin dans l'appartement et vois que tout est intact. Rien n'a changé. Mes robes sont toujours là, mes affaires aussi. Cela ne fait que trois jours, mais j'ai l'impression que cela fait une éternité que j'ai quitté cet endroit.

La porte s'ouvre à nouveau derrière moi, et je sais que c'est l'Empereur. J'aurais préféré qu'il ait perdu la vie, ce jour-là. Rien que de le voir me met dans une rage incontrôlable. Je ne sais pas comment je vais faire pour vivre plusieurs années à ses côtés.

- Vous m'ignorez, désormais ? Demande-t-il.

Je ne réponds pas et prends une robe de chambre avec moi. Je dois me doucher.

- Je devrais être celui qui vous en veut. Dit-il. Vous avez tentés de me tuer.

- Mon intention première n'était pas de vous tuer, mais de défaire nos liens et me permettre de fuir. Dis-je froidement. Vous, par contre, ne m'avez fait aucune preuve de miséricorde.

- Je vous ai prévenu. Prenez-moi comme ennemi, et je vous traiterais comme tel. Rétorque-t-il.

Je lui lance un mauvais regard puis m'enferme dans la salle de bain. J'ouvre l'eau de la douche et la laisser couler. Sans même retirer mes vêtements, je rentre sous l'eau et la laisse m'inonder.

- Venelia, mon cœur, je t'en supplie, parle-moi. Dit mon père faiblement. Dis quelque chose.

Assise par terre, dans l'ancienne chambre de ma mère, je regardais le vide sans dire un mot.

- Ma fille chérie, parle-moi. Dit mon père, les larmes aux yeux. Cela fait plusieurs jours que je n'ai pas entendu ta belle voix. Parle-moi, mon ange. Parle à papa.

Je tourne enfin la tête vers mon père. Il avait des larmes sur ses joues. Je tends ma petite main vers lui puis les lui sèche. Il finit par me prendre dans ses bras.

- Maman est enfin contente, papa. Dis-je d'une petite voix. Sans moi.

Je sens mes larmes couler mais je me rassure en me disant que ce n'est que l'eau de la douche. Je ne pleure pas. Je ne dois pas pleurer.

Mais la vérité c'est que je suis très, très fatiguée. Je me bats constamment, et cela me fatigue. Je ne veux plus me battre. Je ne veux plus faire semblant d'être quelqu'un d'autre. Je veux être Venelia. Rien que Venelia et rien d'autre.

Je veux enfin être en paix avec moi-même. Mais est-ce réellement possible ?

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant