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Aujourd'hui, nous sommes en hiver. Cela fait désormais neuf mois que nous sommes mariés, Venelia et moi. Dans trois mois, un bal sera organisé à notre honneur pour fêter nos un an de mariage.

Durant ces quelques semaines qui sont passés, ma relation avec elle n'a pas grandement changé. À chaque occasion, je tente de l'embrasser, la tension toujours autant présente entre nous, mais elle finit toujours par me repousser. Sinon, on discute parfois calmement et à des moments, nos disputes deviennent vraiment violentes.

Enfin, de son côté, surtout.

- Revan, tout va bien ? Me dit Kayda en s'approchant de moi.

Elle s'assoit sur une des chaises devant mon bureau, me regardant inquiète.

- Je vais bien. Lui dis-je.

- ... Tu as l'air plus faible que d'habitude. Rétorque-t-elle. Tu te nourris bien ?

Je hoche la tête, en évitant son regard. Elle l'a remarquée à une vitesse fulgurante.

Venelia me regarde dans les yeux. Je me penche vers elle, mais elle me repousse à nouveau.

- L'odeur du sang, dit-elle avec dégoût, je sens l'odeur du sang.

Kayda s'approche de moi. Elle prend ma tête dans sa main et la tourne dans plusieurs sens. Elle me renifle aussi. Et lorsqu'elle a un mouvement de recul, je comprends qu'elle a deviné.

- Depuis combien de temps n'as-tu pas bu de sang, Revan ?! Me demande-t-elle.

- Hier. Soufflé-je. Depuis hier.

- Ne ments pas ! S'écrie-t-elle. Je sais que tu ments, Revan. Dis-moi !

Je lâche un soupir puis lève la tête vers elle.

- Trois semaines.

- Quoi ?! Dit-elle, abasourdie. À quoi joues-tu, Revan ?!

C'est un grand accomplissement que j'aie pu ne pas boire de sang pendant trois semaines. Je ne m'en pensais pas capable, mais je le suis. Le sang pour nous est semblable à la nourriture pour les mortels, à la seule différence que nous ne mourrons pas sans notre sang. Nous nous fatiguons simplement.

Et je me demande si ce n'est pas parce que je suis habitué à la douleur que j'arrive à supporter cette fatigue surhumaine.

Quand Père faisait mal à ma mère, je sentais mon âme se déchirer, mon cœur brûler, mes larmes étaient semblables à de l'acide sur mon visage, je pleurais du sang et ma voix n'était pas entendue, ma force n'était pas assez. J'étais coincé dans les ténèbres pendant si longtemps.

Et quand il a décidé de mettre fin à la vie de maman, sa vie censée être immortelle, je suis tombé quelque part pire que les ténèbres. Peut-être l'enfer. Les mots ne sont pas assez pour décrire ma détresse, et à quel point mon esprit était sombre.

Si j'avais rencontré Venelia à cette période, je ne pense pas que j'aurais résisté, je l'aurais tué.

Comme j'ai tué son père... cet homme qui m'a pris le droit de venger ma mère.

- Tiens. Dit Kayda en déposant un pot de sang devant moi. Bois. Bois tout.

Je ne l'avais pas bougé. Pendant un instant, j'ai sentis mon âme retourner dans cet endroit sombre.

- Je n'en veux pas. Lui dis-je.

- Revan, tu ne tiens peut-être pas à ta vie, mais j'y tiens. Dit-elle fermement. Bois ça... s'il te plaît.

- Je ne vais pas en mourir, ma Kayda. La rassuré-je. Je peux survivre sans.

Elle me regarde alors tristement, posant sa main sur ma joue. Je déteste la voir ainsi. Et encore plus lorsqu'elle c'est moi le fautif.

- Même si tu abandonnes ce que tu es, elle ne t'aimera pas, grand frère. Dit-elle doucement. Les sacrifices que tu fais pour elle sont vains. Tant qu'elle ne t'aimera pas, elle ne verra rien de tout cela.

Je luis souris légèrement. Elle a compris sans que je n'ai eu besoin de prononcer un mot.

- Je vais aller la voir, maintenant qu'elle a dû prendre son dîner. Dis-je à ma sœur. Puis je boirais à nouveau du sang, ne t'inquiète pas.

- Promis ?

- Promis.

Elle sourit puis me prend dans ses bras. Je me lève ensuite de ma chaise, m'excusant auprès de ma sœur avant de sortir de mon bureau. Je me dirige vers ma chambre, faignant d'être encore plus mal que je ne le suis. Elle s'inquiétera peut-être. J'ai envie qu'elle s'inquiète. Qu'elle fasse tout de son pouvoir pour s'occuper de moi.

J'ouvre la porte, le visage tout pâle, et peinant à tenir bout. Je ne feigne pas totalement, mais j'exagère seulement mes actions. Rapidement, lorsque les yeux de Venelia se pose sur moi, j'y vois de la confusion.

Elle évalue la situation pendant quelques secondes, avant de se lever et s'approcher, inquiète.

- Que vous arrive-t-il ? Dit-elle, tentant de masquer son inquiétude.

Je me retiens de sourire. Je le savais. Je savais qu'elle n'allait pas rester indifférente. C'était tout ce que je voulais. Et pour une raison ou une autre, cela me rend heureux.

- Répondez-moi, pourquoi ne parlez-vous pas ?

Elle me tient, posant mon bras sur son épaule, puis elle m'amène jusqu'au lit avant de m'allonger dessus. En la regardant dans les yeux, j'ai l'impression que mon état s'empire réellement. J'entends chaques gouttes de sang dans con corps, j'entends le battement de ses veines, et l'envie d'y goûter est intense.

- Vous ne pouvez pas tomber malade. Dit-elle faiblement. C'est impossible... dites-moi, que vous arrive-t-il ?

Elle pose sa main sur mon front, vérifiant que je n'ai pas de fièvre. Mais elle sait autant que moi que c'est impossible. C'est une maladie humaine. Malgré mon mal être, je la regarde, intriguée. Elle n'a aucune raison d'être aussi inquiète, pourtant elle l'est.

Elle tente de mettre un peu d'eau froid sur mon visage pour atténuer la chaleur.

- Je ne sais pas quoi faire... Dit-elle doucement. Je... je vais appeler un médecin. Je reviens tout de suite.

Mais avant qu'elle ne s'en aille, je l'attrape par le bras.

- Ne t'en vas pas.

Elle fronce les sourcils, rassurée que j'ai enfin parlé. Elle s'approche de moi, attendant que je parle à nouveau.

- Un médecin ne pourra rien faire... lui dis-je. Je n'ai pas bu de sang. Depuis trois semaines. C'est cela, la raison.

Et elle me regarde horrifiée, comme si je venais de commettre un crime...

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant