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- Par contre, j'ai une condition pour accepter cette "paix". Lui dis-je.

Il me regarde, attentif de ce que je vais dire.

- Je veux visiter la tombe de mon père aujourd'hui. Dis-je fermement. Et à chaque fois que j'en aurais envie.

- Je ne vous l'ai jamais interdit, en premier lieu. Me dit-il. Vous ne l'avez jamais mentionné.

Je hoche la tête, rassurée. Je pensais qu'il allait refuser. J'avais l'habitude de me rendre souvent à sa tombe, lui parler. Je venais souvent aussi lorsque j'avais le plus peur. Si je le sentais proche, cela me rassurait.

- Alors je vais vous emprunter un cheval. L'informais-je. Je vais m'y rendre de suite.

- Non, pas la peine. Tenez-vous à moi.

Je fronce les sourcils, confuse. Voyant que je ne bouge pas, il s'approche et pose sa main sur ma taille. En un instant, je me sens transporter aussi rapidement qu'un éclair. Le vent me fouette le visage et le décor change si rapidement. Tout devient flou. C'est donc cela ce que voit les vampires lorsqu'ils courent ?

C'est si satisfait. Si apaisant. Et je viens de me rendre compte que nous sommes arrivés. Nous sommes devant le bâtiment où se trouve les tombes de mes parents. Et l'Empereur s'est éloigné de moi.

- Je ne veux pas que vous veniez avec moi. Le prévenais-je. Vous êtes son meur-

- Vous n'avez pas besoin de me rappeler cela. Me coupe-t-il. Je ne rentrerais pas. Je vous attendrais ici.

Je hoche la tête. Je prends la clé avec moi, puis ouvre la porte avant de pénétrer dans le bâtiment. C'est une sorte de jardin intérieur. Un jardin avec les tombes de mes parents et mes ancêtres. Je sais que je serais bientôt enterrée ici à mon tour.

Et je serais la dernière.

Personne après moi ne sera enterré ici. Je suis la dernière de la lignée. À moins que j'aie un enfant avant que je décède.

- Papa...

Je m'agenouille face à sa tombe. J'avais peur d'entrer ici quand j'étais enfant. Je sentais encore l'esprit des morts et c'était terrifiant. Mais maintenant, je n'ai plus aucune raison d'avoir peur. Si je ressens l'esprit de mes parents, alors j'en suis heureuse.

- Je suis là, enfin.

Je trace du bout de mon doigt son nom sur sa pierre tombale.

- J'avais honte, je l'avoue...

Et mes yeux se remplissent de larmes. Plus je relis le nom de mon père, plus mon cœur se brise. Je retourne cinq ans en arrière, lorsque j'ai appris sa mort. Je revis ce moment à chaque instant, me demandant si je pouvais faire quelque chose ce jour-là pour changer son sort.

Peut-être que j'aurais pu me proposer moi-même en mariage à l'Empereur ? Papa serait en colère, mais au moins, il aurait été en vie. Ou peut-être qu'il n'y a rien que j'aurais fais et qui aurait changé la donne. Peut-être que papa serait mort, dans tous les cas.

Je me rappelle lorsque j'étais enfant... la mort était un sujet qui m'angoissait tant. Je ne voulais pas mourir car mes parents avaient déjà perdus une fille, et je ne voulais pas qu'ils en perdent une autre. Et je ne voulais pas perdre mes parents... je ne me voyais pas vivre sans eux.

Mais finalement, je n'ai rien pu contrôler. Maman m'a détesté jusqu'au dernier moment. Et papa... je l'ai embrassé sur la joue le matin même, en lui rappelant à quel point je l'aimais. Et le soir-même, il a perdu la vie. Maintenant, je n'ai plus peur de la mort. Je n'ai plus rien à perdre. J'ai tout perdue. Et il n'y aura personne pour pleurer sur moi.

- Je suis désolée d'avoir perdue le royaume. Dis-je en pleurant doucement. Je suis désolée de l'avoir épousé, d'avoir abandonné ! Je suis désolée de ne pas avoir été digne de toi...

Et mon regard se tourne vers la tombe de ma mère. Je me demande si elle est heureuse. Je me demande si elle a trouvée la paix qui lui manquait sur terre. Je me demande si le fait de ne pas me voir chaque jour l'apaise. Peut-être qu'elle n'aime pas que je vienne lui rendre visite. Peut-être qu'elle haït cela.

- Papa, je... Je pense que ma soeur est en vie. Dis-je doucement. Je ne sais pas comment je pourrais avoir une réponse de ta part, mais si elle l'est vraiment, montre-moi un chemin vers elle. Je t'en supplie... J'ai besoin de la voir et elle a sûrement besoin de savoir que je suis sa soeur !

Mais bien-sûr, aucune réponse. Si seulement j'avais le pouvoir d'entrer en contact avec les morts. Peut-être que l'Empereur a ce pouvoir. Mais je ne peux pas lui demander de l'aide. Et mon père refuserait de lui parler. 

Je finis par me lever en soupirant, pour sortir. Je ne sais pas où ma soeur se trouve, mais je suis certaine qu'elle a le même père et la même mère que moi. Le contraire est impossible. Impossible. 

Mais alors ses pouvoirs... ?

Je chasse mes pensées et sors d'ici. Ce n'est pas en pensant que je trouverais mes réponses. A l'extérieur, je trouve l'Empereur appuyé contre un arbre, les bras croisés contre son torse.

- Allons-y. Lui dis-je doucement.

Il s'éloigne de l'arbre et s'approche de moi.

- C'est donc ici que vous reposerez ? Me demande-t-il. 

- Oui. Au côté de mes parents. Lui dis-je. Cela vous pose un problème ?

- Non. Me répond-il. Mais cela est étrange que vous en parliez si facilement... Vous entrez et sortez de l'endroit où vous serez enterrés. Un jour, vous y entrerez sans en ressortir. Heureusement, je n'ai pas ce soucis.

Je secoue ma tête, en roulant des yeux.

- Je sais que ma vie aura une fin, lui dis-je, vous, non. Si demain, je meurs, je ne serais pas surprise. Je ne me fais pas de fausses illusions. Je mourrais. Ma vie est vouée à une fin. Vous, si l'on vous tue, vous allez être bien surpris, car vous auriez pensés que rien n'a de fin. 

- Vous savez ? Je vous renommerais philosophe de mon Empire. Dit-il en riant. Vous parlez bien, mais n'avez pas toujours raison. Venelia, vous rendez-vous compte ce que c'est de vivre pour toujours ? Être immortel est un cadeau.

Je détourne le regard. Peut-être que j'aurais été d'accord avec lui si j'avais quelqu'un dans ce monde. Mais je n'ai personne. Mes parents ne sont plus là, et si ma soeur n'est pas en vie, je n'aurais aucune famille. Et à cause de ce mariage, je ne trouverais peut-être jamais l'amour. Je ne trouverais peut-être jamais cette personne qui m'aimera réellement.

A quoi bon vivre pour toujours, si je la vis seule ? A quoi bon rester sur terre, quand l'au-delà m'offre bien plus ?

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant