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Le médecin vient de sortir. Je m'approche alors d'elle, et m'assois, le visage atterré. Cela n'est pas censé me faire aussi mal. Cela n'est pas censé m'inquiéter autant. Mais notre lien est devenu de plus en plus fort depuis notre baiser. Chaque contact physique amplifie le lien. Et il contrôle mes émotions. Il contrôle mes pensées.

- Elle ira bien... dit Illara doucement. Les mortels prennent du temps à guérir, mais elle ira bien.

Je ne réponds pas, ni n'éloigne mon regard d'elle. C'est ridicule. Mes réactions sont ridicules. Je devrais me réjouir. Punaise. Cela devrait être un jour de fête.

Mais je ne ressens que de la tristesse et du vide, mélangé à de la colère. Il allait la tuer. Mais il n'y a que moi qui ait ce droit. Je suis le seul qui peut briser son cœur, qui peut jouer avec ses émotions, qui peut lui faire du mal et même la tuer. Si j'étais le responsable, je n'aurais eu que le regret comme sentiment.

Et elle aussi, est la seule à avoir le droit.

En repensant à nous, je me dis que je suis son Heathcliff. Elle est ma Catherine Earnshaw. Notre relation est tordue, étrange, dépassant toutes morales. À la seule différence, son Edgar Linton n'est plus dans le tableau. Et Venelia n'est pas violente. Sauf avec moi.

Et j'espère que notre fin ne se terminera comme eux.

Plus je pense, plus je commence à perdre la raison.

- Retenez-moi. Dis-je à mes sœurs. Ne me laissez pas approcher Venelia.

Elles s'approchent, inquiètes.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive, Revan ? Pourquoi ?

- Je crains que ma peur de le perdre devienne trop grande, et je finis par lui donner mon sang à boire. Dis-je faiblement.

- Non ! S'exclame Illara. Non, Revan. Tu ne le feras pas. Elle ne deviendra pas l'une d'entre nous. Elle ne te le pardonnerais jamais.

Je ferme les yeux un instant, me forçant à former des mots.

- C'est pour cela que je vous demande de ne pas me laisser seul avec elle. Dis-je faiblement. Je n'ai pas envie de la perdre. Ni par la mort, ni à cause de mon impulsivité et ma crainte, si elle survit.

- ... Revan, tu l'aimes ? Me demande Kayda.

- Non. Soufflais-je. Je ne peux pas aimer. Et elle non plus.

Puis je me tais, sentant les mots se coincer dans ma gorge. Je profite de sa présence et elle profite de la mienne. C'est tout. Je n'ai pas de cœur pour pouvoir l'aimer. Et elle... elle n'aimera jamais le meutrier de son père.

Si elle ne s'était pas prise cette flèche, je suis certain qu'elle m'aurait évité, regrettant son acte.

- C'est ma femme.

Je cligne lentement des yeux, ne disant plus rien d'autre. Je n'en ai plus la force. Ma respiration ralentit de plus en plus, en voyant le corps de Venelia allongé dans mon lit. Dans notre lit. Dans notre appartement.

Je n'ai même plus envie de dire "si". Je n'ai plus envie de continuer dans cette incertitude. La seule chose que j'ai envie de dire, que j'ai envie d'affirmer est qu'elle se réveillera. Il n'y a pas d'autres choix.

Et en essayant d'entrer dans sa tête, je remarque qu'elle n'a plus le sort qui la protégeait de moi. Je pouvais voir librement tout ce qu'il lui passait par la tête. Et bien qu'inconsciente, sa mémoire était belle et bien consciente.

Elle est perdue. Je la sens se tourner autour, cherchant des réponses mais elle ne trouve que du vide.

J'allais lui parler, la rassurer et lui dire que je suis là. Que nous sommes rentrés à la maison. Que je l'attends. Mais une force m'en empêche. Et il ne m'a pas fallu longtemps pour savoir que c'est son père. Il a voulu m'empêcher de quitter le royaume des morts, et maintenant il a laissé une part de lui en elle pour que l'on s'éloigne.

- Laisse ma fille.

Je secoue ma tête.

- Votre fille est ma femme. Lui dis-je. Elle sera ma femme pour toujours. À jamais.

Mais je vois quelque chose d'inhabituel. La présence de Venelia diminue, et celle de son père augmente. Cela ne m'a pas pris longtemps avant de comprendre que le père de Venelia est en train de prendre possession de son esprit. Il est en train d'amener sa fille à lui.

- Vite ! M'écriais-je soudainement. Appelez une sorcière !

Sans un mot de plus, Illara appelle Azaël et lui demande d'amener une des sorcières de l'empire. Quelqu'un doit arrêter cet homme, avant qu'il n'amène Venelia au royaume des morts.

- Illara, Kayda, je veux que vous essayez d'entrer dans la tête de Venelia. Leur commandais-je. On doit repousser son père. Il essaye de la prendre.

- Son père essaie de tuer sa propre fille ? Demande Kayda.

- Oui... Dis-je avec inquiétude. Et je ne peux pas le laisser. Je ne peux pas perdre Venelia. Je dois le virer de son esprit avant que ce ne soit trop tard !

Alors nous trois nous nous mettons à l'œuvre, avant que la sorcière n'arrive. J'utilise toutes mes forces pour la retenir sur terre, pour que son âme ne rejoigne pas celle de son père.

- Reste avec moi, Venelia ! M'écriais-je.

La sorcière nous demande de ne pas lâcher, le temps qu'elle performe son rituel pour qu'elle renvoie l'entièreté de l'âme du roi mortel dans le royaume des morts.

- Vous ne dites que je suis cruel, Dis-je difficilement, mais vous l'êtes ! Un père ne voudrait jamais la mort de sa fille !

Je sens qu'il tente de m'attaquer, mais je suis bien trop puissant pour lui. Plus la sorcière récite ses incantations, plus je le sens faiblir. Et je m'inquiète. Quand il s'en rendra compte, il tentera de donner le coup fatal.

Mais je ne le laisserais pas me prendre ma femme.

- C'est bientôt finis...

Je tiens alors bon. Je dois me battre jusqu'au bout pour la garder. Je dois me battre jusqu'au bout pour qu'elle continue de vivre avec moi, à mes côtés.

D'un coup, tous lâchent. Moi, mes sœurs et la sorcière. Et je soupire de soulagement lorsque la sorcière confirme mes doutes. Son père s'en est enfin allé et Venelia se réveillera bientôt.

J'ai dis que je ne te laisserais pas partir, Venelia.

Blood's CrownOù les histoires vivent. Découvrez maintenant