ROLANN I

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Ses yeux piquaient et une croûte sur ses cils lui fit comprendre qu'il dormait depuis un long moment. Il les rouvrit doucement et fut frappé par ce qu'il découvrit. Pas de plage, pas de pins, pas d'océan. Une rue pavée dont les façades blanches et pures semblaient dures, extrêmement dures. Elles luisaient devant lui comme si le soleil n'était pas dans l'espace mais sur la ville. Une chaleur suffocante, une canicule presque, baignait cet espace dans une température défiant le bon sens. La première idée qui lui traversa l'esprit fut de se demander comment des hommes avaient pu avoir la stupidité de construire à un endroit pareil. 

Puis il remarqua des gens passer, habillés, certains de façon courte mais d'autres affichaient un corps bien recouvert. Ineptes. C'est ce qu'il murmura. Enfin il prit conscience que des commerces et des magasins l'entouraient. Un peu comme des échoppes dans la masse immaculée qu'offrait la matière creusée de rues. Un mal de crâne aigu. Debout il toucha machinalement son chef et gratta sa nuque. Il entreprit d'arpenter lui aussi cette ruelle. Il fut un peu étouffé par les citadins passant et le bousculant. Il y en avait tellement...

Et puis sans trop s'en rendre compte il déboula au milieu d'une rixe. Des autochtones se battaient et pas à moitié ! À coups de poings et de pieds. Il vit l'un des plus petits sauter, agripper le plus grand et lui asséner un violent coup de tête au milieu du front. Quelle violence ! De rire ce dernier en perdit l'équilibre. Voilà ce qui le marquait le plus : ils semblaient tous y prendre du plaisir. Il n'y avait guère d'animosité ni de hargne. Il voulut partir mais on l'empêcha de fuir, repoussé sèchement vers le centre. Il tenta l'opération une deuxième fois mais rien n'y fit. Et puis ce qui devait arriver arriva. Il prit un coup, puis deux, puis une ruade et s'affaissa lourdement. « Et bien mon gars ? » 

Le plus athlétique des pugilistes l'observait de son œil bleu non sans sourire. Un filet de sang s'échappa de sa bouche et reprenant ses appuis il lui rentra dedans au niveau des hanches. Il fallait combattre. Le mastodonte ne bougea pas. Alors que ce dernier le soulevait laissant ses jambes s'ébattre au-dessus du sol Rolann lui frappa le col des paumes de ses mains et décocha un franc coup de genou dans l'aine. Le géant lâcha prise mais ne se tordit même pas. Il se contenta de rugir, de plaisir aurait- on dit. Mais déjà on le sollicitait de derrière et nos deux compères se retrouvèrent dos à dos résistant à une avalanche de frappes. Il sembla à Rolann, à juste titre d'ailleurs, que de nouveaux combattants venaient d'enrichir cette arène. Il y en avait trop et résister devenait de plus en plus périlleux. C'est alors que surgit un troisième homme. Le teint ténébreux et les yeux d'un rouge ocre il se moqua sans gêne du titan et ne demanda pas qui était Rolann. Ils combattirent ainsi pendant cinq bonnes minutes. Pour un profane, cinq minutes ce n'est rien, mais pour qui a l'habitude des escarmouches ce laps de temps frôle l'éternité.

La joute finit par s'émousser faute de belligérants. Un rire grégaire s'empara de cette petite meute et tous finirent dans les bras les uns des autres à grands coups de viriles accolades. Le plus grand observait Rolann. Lequel se rendit compte qu'un énorme quatre était tatoué sur son cou. Le deuxième inconnu s'approcha et faillit lui démettre l'épaule en le gratifiant d'une tape amicale dans l'omoplate : « Alors ? Je croyais que tu avais disparu! » Il se demanda comment ce garçon pouvait le connaître et comprit assez rapidement qu'on le prenait pour un d'autre. 

Il protesta en arguant qu'il devait se tromper. Alors l'homme tatoué l'appela Rolann. Certes avec un accent et une intonation différente de la prononciation habituelle, mais tout de même ! Cela ne l'empêcha pas pourtant d'affirmer qu'ils se trompaient, qu'il ne les reconnaissait pas. Ils échangèrent un regard complice et se mirent d'accord sur le fait qu'il devait avoir pris un coup. Il fut alors littéralement saturé de questions. Où avait-il été tout ce temps-là ? On l'avait cherché partout et sa tante s'en était montrée fort inquiète. Sa tante ? D'autant qu'il se souvienne sa mère n'avait pas de sœur et seul le frère de son père, l'oncle Michael, composait sa famille de ce côté-là. Était-ce une plaisanterie ? Tout lui prouvait que non... 

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant