NEIL

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Neil bravait avec courage et non sans rage les forces de Justice et celles du Pays de Rokku. Les hommes aux manteaux sombres parsemés de traînées azur avaient pour la plupart disparu. La majorité avait fui et ceux qui continuaient à lutter essayaient désespérément de s'échapper. Neil, le Faucon Victorien, possédait les talents d'un bretteur hors pair doublé d'un stratège de génie. Pourtant il comprenait à mesure que le temps passait à quel point il ne pouvait rivaliser avec cette organisation terroriste. D'abord leurs mouvements. Tous démontraient des capacités hors normes pour de simples séparatistes. Il en concluait naturellement qu'ils avaient dû subir un entraînement de type militaire d'une intensité au moins similaire à ce que des armées comme celles de Victoria imposaient à leurs meilleurs soldats. Par ailleurs leur discipline et le temps très maîtrisé de leur attaque globale trahissait une opération préparée depuis longtemps. Trop longtemps. Ceux qu'il avait très tôt identifiés comme les hommes forts des troupes de Justice l'affrontaient. Plus précisément deux d'entre eux. L'un arborait un masque d'un rouge sombre pourpre et l'autre bleu cérulescent. Son épée à la garde de rapace, Silverhawk, pourlécha la tempe du masque carminé. Il ne put s'empêcher de le provoquer « Battons-nous jusqu'au bout sombre inconnu ! » Un rire étouffé s'échappa de la silhouette masquée et pour toute réponse il essuya l'attaque d'une lame acérée. A mesure que ce duel se prolongeait Neil ressentait des émotions, des sentiments contradictoires. Il fallait défendre l'île, oui, mais à la fois quel spectacle, quelle situation ahurissante et grandiose. Il fallait bien le dire, tous vivaient un moment de cette ère qui changerait et pour longtemps le paysage, de même que les règles de ce monde. Pourtant il ne pouvait que reconnaître la superbe et l'intrépidité, la valeur de ces ennemis. Ils ne fuyaient pas. Contrairement à l'autre faction, celle des manteaux parsemés de traînées azurées, ceux qu'il reconnaissait comme appartenant au camp de Justice semblaient pétris d'une forme palpable d'idéal, voire d'honneur. Et cela il le percevait jusque dans leur façon de bretter. Oh et puis... Il aimait cela. 

Où et quand l'avait-il ressenti pour la dernière fois ? Cette joie d'affronter, cette excitation toute particulière que seuls les guerriers véritables éprouvent lors qu'ils livrent les plus beaux assauts? Cette voie chevaleresque qui le guidait vers la réalisation personnelle et qui transcendait les barrières, les peuples et les dieux eux-mêmes ? Un, deux, trois ! Il piquait et repiquait de nouveau. Il ne perdrait pas, jamais ! Il s'élèverait encore et encore comme il l'avait toujours fait, au fil de son épée, par la force des armes et de la hardiesse, par l'honneur et les hauts-faits ! Pourtant comme il frappait et frappait toujours, partageant avec son ennemi masqué le plaisir de la joute, il fut témoin du regroupement des sombres vaisseaux de Justice. Un moment plus tard Magistères, Juges et terroristes s'observèrent au travers d'interminables secondes. Puis comme si cela semblait désormais naturel l'opposant au masque rougeâtre le salua comme un épéiste, l'arme droite contre le torse, et recula lors d'un saut anormal de hauteur. Neil incrédule rendit ce salut et les observa regagner en toute hâte leurs positions. Ils le comprenaient tous, rien ne servait de les poursuivre. Kimôto primait sur le reste. La flotte paciféenne arriverait mais trop tard. L'essaim d'unités métalliques qui avait attaqué l'île sacrée du Pacifique se rétractait. Au milieu le vaisseau somptueux duquel était apparu Saviour, certainement le bâtiment amiral, prenait la tête sous le feu des navires victoriens. Quelques secondes plus tard ils disparaissaient aériens au travers de traînées célestes, lézardant d'une poussière brumeuse le firmament ardent. Neil en scrutant les vaisseaux s'évanouir au loin fut pétri d'une certitude presque inavouable : peu de soldats de ce monde possédaient la noblesse d'âme de ces révolutionnaires. Pourtant il ne s'agissait-là que de sa propre conviction. Mais déjà l'on se regroupait. Arthulian le premier lui adressa la parole : « Capitaine Highwind. Voilà l'île préservée. Seules les forces du Pays de Rokku semblent encore en faction. Néanmoins elles sont désormais tout à fait désavantagées. » Neil allait répondre lorsqu'un chevalier victorien, envoyé de Jeffrey Northman, les coupa affolé. Ce qu'il leur révéla éveilla une inquiétude profonde justifiée: Cassandra venait de tomber inerte, succombant aux coups du leader des terroristes : Saviour. 

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant