Le Pacte du Roi Livre I

ROLANN II

« Tu vas voir espèce de dingue ! » Il frappait, cognait de toutes ses forces. Pied, poing, ruade. Il visait les points vitaux que le maître Chomeï Tanaka, père de Shun, lui avait appris des années auparavant dans le dojo familial du clan éponyme. Pour la première fois depuis son arrivée dans ce monde il était sérieux. Bougrement sérieux. Pourtant malgré la brutalité de ses coups aucun n'entamaient la barrière faite d'eau, de quartz et de roche friable qui enserrait Sôra. « Tu ne peux rien. Rien ! Je vais te montrer... » D'un geste simple et incliné vers Rolann Sôra canalisa tout son quartz. Le souffle ainsi projeté envoya balader Rolann à plusieurs mètres. Sôra parut déçu : « Voilà. Je le savais. Je vais te détruire... En fait je vais tous vous détruire. Et je n'aurai plus de problèmes. » Alors il leva les deux mains vers le ciel et créa une sorte d'immense sphère d'eau. Puis il rassembla le quartz qui épousait les formes liquides en mouvement. De la bassine des filets longs et épais de quartz émanaient. De loin l'on eut dit un véritable astre fait de roche friable blanche. Il y en avait tellement qu'une brume de fumée se formait alentour... Rolann avait du mal à respirer. Il se protégea la bouche et le nez d'une main ferme. Mais que signifiait tout cela ? Enfin Sôra le regarda dans les yeux : « Tue, tue, tue... Meurs ! » De ses mains ouvertes qu'il lança en direction de Rolann, rien. Mais des cieux, la sphère s'abattait sur le draguien. Il voulut fuir mais il comprit rapidement qu'il n'irait pas assez loin. Alors faisant volte-face il se rua sur le garçon du Pays de Rokku. Puisant dans toutes ses ressources il se concentra et s'adressant au Juge en lui-même ferma un temps imperceptible les yeux : « Maître pardonnez-moi mais je ne peux faire autrement... » L'aura rouge caractéristique qu'il avait développée à Tôh-Sat l'entoura. Puis armant ses poings il hurla : « Les poings tourbillonnants du Juge Loguard ! » De la bassine s'exprima du quartz encore, mais cette fois-ci ce dernier ne put résister à la férocité des frappes. Chacun des coups perfora la matière, laissant apparaître très clairement les traces curvilignes du tourbillon tournant sur lui-même et la douleur s'insinua dans les chairs de Sôra. 

Ce dernier fut projeté à quelques cinq bons mètres. Il se tenait le ventre et le sternum. Quelle affliction. Jamais il n'avait eu tant mal. Si ce n'était avec cet Erik. Encore un draguien. Maudits draguiens, barbares... Un sang visqueux s'échappait de sa bouche. Il crachait de douleur et toussait. Plus haut la sphère descendait, rapidement. « Tu veux jouer hein ? Chien de draguien... Maudite race obsédée par les combats. Je vais t'exterminer et ensuite je supprimerai tous les autres. » Sa main dessina un arc de cercle et il la fit revenir vers son torse puis il ferma son poing, le regard mauvais. Avant que Rolann n'en prenne conscience l'astre s'abattait sur eux, défonçant le parvis de la Bibliothèque Universelle. Écrasant les superbes arbres millénaire et réduisant en miettes les ardoises violacées au sol. Les pétales roses et blancs s'éparpillaient dans le ciel, engendrant un nuage rosâtre d'une beauté insoupçonnée. Rolann gisait à même le sol sur un coussin de branchage lui-même arrangé sur un monticule de terre. Il avait été projeté bien plus loin que leur ère de combat, au cœur de cerisiers en fleurs. Tout son être étouffait sous le quartz. Au niveau de son torse un bloc pointu d'ardoise lui transperçait le corps de part en part. Partout, le quartz maudit. Au loin Sôra se tenait toujours l'abdomen. La douleur lui semblait atroce. Quelle puissance de frappe... « Tu es le deuxième à me toucher de la sorte. Inadmissible. Ma défense impénétrable, ma roche, mon quartz. Je arghhhh... » Il releva son front trop grand : « Je vais tous vous occire. Vous êtes dangereux... Des bêtes à éliminer... » Il marchait tel un damné vers Rolann. Répétant des mots peu cohérents : « Tue, tue, tue. Moi. Mort... Je dois vous éliminer. Je vis... Je dois protéger... Tue, tue, tue... » Le quartz se retirait du parvis alentour. Il regagnait lentement la bassine de cuivre, afin de protéger son maître. Lequel se parlait à lui-même : « Mal. J'ai mal. Pourquoi ai-je si mal ? Je n'ai jamais eu aussi mal depuis l'Épreuve. Non... Quand déjà ? Quand ? »