Eleanor s'en était allée dans ce magnifique navire argenté de brillance. La seule âme en qui il crût depuis qu'il s'était échoué au milieu de nulle part, avait disparu quelques jours plus tôt. Le voilà donc esseulé sur cette île énorme dont les horizons se peuplaient d'autres îles qui, lui avait-on expliqué, dépendaient toutes de la première. En soit cela ne le gênait pas, il était lui-même un insulaire.
Le plus troublant demeurait le fait qu'il ne sache rien sur ce monde, rien sur son fonctionnement et encore moins sur celui de l'île. Certes avait-il compris que le temple aux ailes fières surplombant la ville et ce qui s'apparentait à une université disposaient d'un pouvoir conséquent. Cependant il ne décelait pas de rapports francs entre les élèves et ce qu'il identifiait comme des sortes de sages ou de prêtres : les Magistères. Curieux ces Magistères.
Toujours occupés mais rarement pressés. Ils vous regardaient avec un mélange subtil de détachement et d'altruisme. Convaincus d'une préséance quelconque. Mais laquelle ? Mystère. Depuis près d'une semaine il n'avait reçu de visites que celles des responsables du campus, lesquels administraient sans douceur tout ce qui touchait au fonctionnement interne de l'immense structure : nettoyage, repas, horaires, réception des invités...
Il devait appartenir à la dernière catégorie car l'on s'était occupé assez méticuleusement de lui. Habits, repas, ménage. Dans la petite chambre qui lui avait été allouée, fort jolie d'ailleurs et donnant sur un panorama délicieusement verdoyant, il recevait tous les deux jours les visites d'Hilda Lacostery. Elle vérifiait qu'il fut en bonne santé, l'auscultait, contrôlait si la chambre était bien rangée. Et, il l'aurait juré, cette dernière préoccupation n'entrait pas dans ses prérogatives. Il se souvenait avoir été frappé la première fois par l'âge de cette jeune femme. Le sien ! Et déjà médecin ? Ou en tous cas un titre s'en rapprochant.
Quotidiennement de jeunes filles entraient cérémonieusement avec un respect et une excitation évidents, sacrifiant au rite du ménage. Inquiet de son image il avait tout d'abord essayé de les en dissuader, après tout pouvait-il s'en occuper seul ! Que n'avait-il fait ? Elles ripostèrent farouchement, le chassèrent de sa chambre non sans gloussements et autres rires aux éclats ! Bon... Il décidait donc de visiter les lieux. Ainsi depuis plus d'une semaine il arpentait en long en large et en travers cet endroit. Au début les étudiants qui le croisaient le dévisageaient sans honte. En tous cas ceux qui reconnaissaient en lui l'étranger.
Désormais il paraissait normal de le voir déambuler les yeux en l'air dans tous les espaces. Oui... Shun possédait cette discrétion, cette retenue, cet effacement que savent entretenir les hommes emprunts de l'enseignement des arts traditionnels. En fait beaucoup commençaient à se demander s'il n'était pas un natif de l'île ou un apprenti Magistère ayant simplement perdu la mémoire tant son comportement, certes empreint d'un filtre de différence, semblait malgré tout en adéquation avec les mœurs de Kimôto. En tous cas avec les habitudes du Temple. Quelle école.
Car c'en était une. Entre le temple et la ville, brandissant ces deux ailes de liberté et percée de lumière, protégée par un parc splendide qu'il lui avait été donné de visiter succinctement, la Faculté Universelle. A flanc de montagne se développait aussi une forêt plus sombre. D'un blanc brillant le bâtiment principal offrait par ailleurs des tons gris anthracite sur ses murs, nacarat au niveau des sous toits qu'il pensait forgés d'un cuivre épais rosâtre et parfois pêche, sur certains avant-corps. Et puis en observant mieux il s'était rendu compte que l'aile opposée présentait les mêmes attributs mais fortes de tons turquoise en réponse au nacarat, bleu fumée en réponse au rose pêche. Jolie correspondance, souria-t-il, sensible à l'art des architectes de cette ère quelle qu'elle fut.
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Le Pacte du Roi Livre I
FantasyQuelque part dans ce monde, sur la plage de "Kotobikihama" au large de Kyoto, Rolann et Shun s'affrontent au travers d'une violente joute verbale révélant les non-dits douloureux des années passées. Nous sommes en 2011 et le pays du soleil levant v...