Phybraz n'en croyait pas ses yeux. Que de monde ! Beaucoup plus qu'au commencement de ces fameux jeux. En effet sous ses yeux, éclatante et sans fin pour l'œil du commun, une marée d'hommes, de femmes de tout âge s'amassait et s'amassait encore. Des gradins de l'immense Lance d'Or l'on pouvait aisément percevoir tous ces gens qui se serraient pour regarder, participer un peu à la célébration de cette deuxième époque de la célèbre Épreuve du Pacifique. Des quatre coins des Neuf Pays, et de Kimôto bien sûr, la plèbe se réunissait comme toutes les cinq années. Il faut expliquer que cette deuxième époque des festivités de l'Épreuve représentait un divertissement beaucoup plus excitant que la première. Laquelle, bien qu'incontournable, ne proposait que défis et affrontements liés à des disciplines sommes toutes accessibles. En tous les cas peu dangereuses. Là au contraire, et pour le plus grand plaisir de ceux qui l'attendaient, la mort rodait à tous les coins et recoins des escarmouches. Il arrivait souvent que les plus jeunes ou les moins bien préparés trépassent dès les premiers échanges. Et cela, beaucoup de ceux qui avaient pu naviguer à travers nuées ou océans pour arriver à Kimôto le savaient. Pas de surprise. Il l'avait lu et relu, s'y entendait pour ne rien ignorer sur l'histoire et les mœurs de ce monde, Phybraz n'en éprouvait pas moins de stupéfaction et d'admiration. Une sorte même d'excitation...
Il se surprit à espérer voir de ses propres yeux un trépas noble au sein d'un combat. Puis il se reprit. Tout de même... Il s'était retrouvé bien malgré lui installé entre Cassandra et Neil. Savoir ce dernier sur son flanc ne le gênait pas le moins du monde. À Kimôto jamais ils ne s'étaient livrés autant l'un à l'autre. Stratégie, art de la guerre, entraînement personnel ou de groupe, disposition à mener les hommes... Neil lui prodiguait tous les soirs des cours particuliers en matière de commandement militaire. De la même manière il s'évertuait à instruire son allié de circonstance dans les règles de l'art politique et de la « manipulation ». Comment prévenir et déjouer les plans, les manigances, les jeux d'alliances. Comment trouver les informations concernant d'éminents, ou moins éminents, politiciens et autres négociants. Mettre en relief les relations entre ces parties, se comporter devant les donneurs d'ordre, développer les arcanes de la diplomatie. Au final un échange de bons procédés mais aussi et surtout la construction de bases solides en vue d'un retour prometteur à Victoria. N'avaient-ils pas tous juré dans sa propre propriété d'édifier le futur de l'Empire? Si bien sûr. Le temps, de même que la situation, se prêtaient parfaitement à cette sorte de formation spontanée basée sur la réciprocité. Voilà une façon de fonctionner exemplaire.
Il est dommageable que l'ego empêche la plupart des hommes d'avancer ainsi de concert. Il se réjouissait de sa propre réflexion quand son regard croisa celui de Cassandra. Dur, enflammé, paradoxe de bleu ciel et de paillettes d'or, la princesse guerrière semblait ailleurs. À quoi pouvait-elle bien penser ? Quelle chimère ou quel rêve de conquête impossible poursuivait-elle cette fois-ci ? Il ne trouva jamais le temps d'établir de réponse satisfaisante. La délégation des Magistères du Pacifique arrivait avec à sa tête Arthulian Edgemaster. Edgemaster... Était-il possible que cet homme, pour lequel il nourrissait un respect certain du reste, soit originaire de Victoria ou de Demetheria ? Avec un tel nom il ne pouvait guère provenir des sept autres pays... Quoi qu'en y réfléchissant bien, à Iresfanéia ou en Elefteria certains noms de cette consonance se retrouvaient parfois. Patronymes vestiges qui soulignaient clairement une parenté entre ces terres. En tous cas le fait que des ancêtres communs s'y furent aventurés. Mais ceci se passait bien avant la dernière ère sombre, bien avant Raddam Cether et Damacus Lence fondateurs mythiques, héros de la guerre oubliée, et donc, bien avant sa propre ère... En tous cas est ce écrit.
Omi Taajukei suivait comme à son habitude quelques pas derrière son disciple et non moins ami. Cet homme régnait d'une main ferme et à la fois souple sur l'ensemble de l'Ordre, et quelque part, sur le Pacifique en son entier. Comme tout bon dirigeant, en tous les cas ceux qui perdurent, pensa-t-il, Omi asseyait son autorité non par la force, les gesticulations répétées et sonores ou encore la corruption, mais bien par une sagesse agrémentée d'un calme constants. Un sourire féroce mais volontaire, une certitude palpable toujours justifiée par ce en quoi il croyait. Ne pas faire et laisser aller. Commander par la démonstration et le silence... « Un bel exemple de la pensée paciéfenne » murmura-t-il pour lui- même. Ce petit bout d'homme bedonnant perdu dans les plis de sa toge bleu-ciel, ses pantalons clairs, aux oreilles décidément trop longues, passa non loin et leur sourit. Ses yeux qui s'affaissaient de bonté lui offrirent un oblique coup d'œil et instinctivement l'écarlate duc d'Arlénon sut que sa mission se verrait d'ores et déjà couronnée de succès. Il en remercia obséquieusement les dieux en son for intérieur, si tenté qu'ils existassent, et se concentra sur Arthulian. Alors que Neil s'était vu témoigner l'immense honneur, mérité cela dit, de figurer parmi les maîtres de la première Arène, le Magistère ferait partie de ceux de la seconde.
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Le Pacte du Roi Livre I
FantasyQuelque part dans ce monde, sur la plage de "Kotobikihama" au large de Kyoto, Rolann et Shun s'affrontent au travers d'une violente joute verbale révélant les non-dits douloureux des années passées. Nous sommes en 2011 et le pays du soleil levant v...