Le Pacte du Roi Livre I

ROLANN I

Rolann pensait pour lui-même que Shun s'en était effectivement très bien sorti. Comme toujours son style propre, pur, trahissait une formation difficile mais efficiente au dojo Tanaka. Maître Chomei vous pouvez être fier de votre fils... Car effectivement, Shun démontrait l'intelligence et la subtilité de centaines d'année de conception, de synthèse des arts martiaux de sa famille, mais quelque part aussi des arts guerriers japonais dans leur globalité. Devant l'utilisation de compétences qui les dépassaient, dans un monde incroyablement différent du leurs, alors que ces gens usaient du Pouvoir comme ils le disaient. De ce qu'il avait pu en comprendre il s'agissait d'une sorte de concentration finalement, d'une méthode visant à multiplier les capacités naturelles du corps et ainsi à augmenter « l'énergie » de l'être. Et, il avait pu le voir à quelques reprises également, certains semblaient capables de créer une relation avec l'environnement ou les éléments. Tel ce Yun du Pays des Nuages qui pouvait plus ou moins manier l'élément « eau ». Fascinant... Mieux que la meilleure des histoires fantastiques ! Pourtant il ne s'agissait pas d'une fiction et là, le moindre faux pas pouvait engendrer une mort certaine. Et plus ce Pouvoir est utilisé, plus grande en est l'affliction infligée à son corps. Ce Yun semblait exténué après en avoir usé. Ils doivent donc y recourir avec parcimonie...

Le temps de trouver d'autres réponses à ses questions, déjà deux autres noms s'affichaient au-dessus de l'espace dévolu aux combats. Ce dernier, initialement blanc et clair, s'avérait désormais une rencontre hasardeuse de traces brunes rougeâtres, mélange de terre, d'eau et de sang. Répugnant, pensa Rolann. Il se concentra un peu plus et le rythme de son cœur s'accéléra quelque peu : Sakura et Julia... Julia allait se battre donc. Il se tourna et déjà son amie et non moins cousine descendait les marches des escaliers corps de dragon... Elle semblait très concentrée. Il crut déchiffrer une lueur de plaisir dans ses yeux. Quelle beauté que cette fille tout de même. Des cheveux d'or à faire pâlir la plus belle des déesses, une fierté et une fougue toujours présentes, une joie de vivre incontournable. Certes dirigée vers les combats, mais et alors ? Il s'agissait après tout de sa culture. Qui était-il pour la juger ? Ne l'avait-il jamais regardée auparavant ? Il distingua tout à coup sa silhouette, ses formes gracieuses et musculeuses, l'uniforme noir de Menez Draguan qui dessinait férocement ses lignes félines. Ses bottes d'épéiste qui lui remontaient jusqu'aux genoux, munies de genouillères d'ailleurs. Sur ses hanches pendait son épée fine, une sorte de rapière longue. Elle était magnifique... Pourquoi est-ce que je ne m'en rends compte que maintenant ?

Irneh se rapprocha. Peut-être avait-il lu dans ses pensées : « Tu es inquiet ? Détends-toi, c'est ta cousine ! Et elle demeure aussi l'une des meilleures étudiantes de l'Académie militaire de Phoexia. Respire. » Sacré Irneh. Jusqu'où allait sa terrible intuition ? Il était dans le vrai. Rolann avait peur pour elle, et pour cette raison unique tout à coup son amazone de cousine devenait la plus belle des guerrières. Allons un peu de tenue, se dit-il. Julia arriva enfin au milieu de l'espace des affrontements, immaculé et pourtant sale. Des moines du Temple s'affairaient entre chaque joute à nettoyer ce qu'ils pouvaient. Mais les traces adhéraient. Sakura elle aussi était descendue, non sans essuyer les recommandations d'Izumi, le froid regard désintéressé de Shun et les encouragements sincères de Tetsuo. La voilà en face de son adversaire, cette draguienne. Sakura, dont les cheveux noirs aux reflets étonnamment rosâtres lui avaient valu son prénom à la naissance portait non sans distinction sa tenue blanche de la Faculté Universelle. Bien faite elle aussi, elle semblait légèrement à l'étroit dans sa veste tant sa poitrine généreuse en gonflait l'étoffe. Grande et athlétique, elle dépassait légèrement Shun en taille et en âge. Du groupe, elle demeurait la plus réfléchie et aussi la plus responsable. Elle salua Julia en penchant légèrement son menton, ce que Julia apprécia. Cette dernière salua à la manière des draguiens, poing fermé contre le torse, main sur la hanche et jambes légèrement ouvertes.