ELEANOR I

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Eleanor ressassait tout ce à quoi elle avait été confrontée depuis le début de l'Épreuve. Comment en étaient-ils arrivés là ? Pourquoi participaient-ils tous à ce challenge dont le but demeurait de se distinguer par rapport aux autres nations ? Chacun ses raisons... A quelques enjambées l'orée du bois. La forêt des dalles prenait fin, les affranchissant ainsi de son filtre de lumière verdâtre clairsemé. Elle prit tout à coup conscience du fait qu'elle menait son groupe de manière volontaire et naturelle. Suzan semblait ailleurs, Hilda scrutait le moindre recoin d'herbe et Friederich contemplait Hilda. Jusque-là rien d'anormal... Eleanor mue par un espoir de repos après cette étape décida d'accélérer le pas. Alors qu'elle croyait enfin sortir de sous ces arbres au feuillage léger et ombragé, le sol s'affaissa. Suzan eut à peine le temps de l'agripper et de se voir emportée. De même qu'Hilda qui l'imita et enfin que le bon Friederich. Une colonne de main cramponnées les unes aux autre et l'instant d'après quatre corps gisaient de douleur sur un sol argileux friable. « Mais que s'est-il passé enfin ? » Eleanor n'en revenait pas. Hilda pestait en se massant ses douloureux genoux violacés soutenus par ses mollets toujours aussi énormes. « J'aurais dû me douter que des pièges nombreux nous guettaient encore ! Les bases enfin, les bases ! » Effectivement. L'Épreuve contenait moult petits plaisirs ou fantaisies de ce genre-là, il fallait toujours rester aux aguets.

La facilité avec laquelle la sortie de ce bois s'offrait à eux aurait dû les alerter. Il fallait maintenant aviser. Tout autour d'eux des sortes de galeries hautes et larges. Où avaient-il atterrit ? Se relevant Eleanor observa longuement le vide à perte de vue. Une voix derrière elle : « Les souterrains oubliés. L'on en parle à la Faculté mais jamais je n'aurais pensé qu'ils existassent... » Suzan semblait à la fois fascinée et effrayée. Car dans toutes les histoires traitant de ces fameux souterrains, les malheureux qui y échouaient n'en réchappaient guère. Friederich pour une fois prit la parole : « Il nous faut nous hâter et trouver une sortie. S'il s'agit effectivement des souterrains de la légende, des bêtes immondes y rodent... » Hilda siffla : « Foutaises. » Suzan ne put s'empêcher de demander si les pièges aussi étaient des foutaises ? Qui était censée prévenir ce genre de problème de par sa connaissance aiguë de l'île et son expérience ? Hilda fut piquée au vif. Elle ne brillait guère ni par sa patience ni par sa subtilité. « Tu crois sans doute que je passe mon temps à fouiller cette maudite forêt à la recherche de plantes médicinales et autres drogues d'apothicaire ? » Eleanor ne les écoutait plus mais fut sensible à un bruit léger. « Silence.. » Effectivement ils purent constater que des voix se rapprochaient. Elles se multipliaient et vraisemblablement il s'agissait d'hommes mûrs. Ils reculèrent mais il n'y avait rien à faire.

Au fond d'une sorte d'impasse ouverte sur le trou qui les avait avalés plus tôt ils étaient tout à fait acculés. Une meute se présenta. Tenues chaudes, fourrures, teint pâle et yeux clairs. Ces hommes portaient presque tous des sabres recourbés et un loup était brodé sur leurs étoffes épaisses. Un homme de belle stature s'avança. Eleanor se prépara à lui parler mais il se décala et de derrière apparut une femme à la beauté froide éblouissante. Grande, svelte et brune, sa longue chevelure fine tombait droit jusqu'aux hanches. Ses lèvres rehaussées d'un rouge sang vif contrastaient d'avec ses yeux d'un bleu limpide. Une robe droite moulante, sombre, une fourrure arrachée à un loup immense et un pectoral fin gris. Sans doute aucun, il s'agissait de leur chef. Dans sa main gauche un sabre courbe d'une facture exceptionnelle restait abrité dans son fourreau. « Je suis Nadia, chef des loups du nord. » Les loups du nord... A leur tenue et à leur teint Eleanor s'était doutée qu'il s'agissait de ressortissants de Demetheria ou peut-être du nord-ouest du Pays de Jun. Elle ne s'était guère trompée. Il s'agissait certainement d'un clan situé dans l'une de ces régions septentrionales. Eleanor répondit sur un ton égal. Cette femme devait être son aînée de quelques années : « Je suis Eleanor. Voici notre groupe. Nous sommes des étudiants de la Faculté Universelle de Kimôto. » Un rictus d'une légèreté insoupçonnée : « Oui. C'est un fait... Suivez-moi» Autorité naturelle, sens du commandement et prise de décision rapide. Cette femme lui rappelait sa sœur aînée. Mais proposant un style qu'elle affectionnait plus. Dans lequel elle se reconnaissait, qui savait ?

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant