ESTFAN II

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Il marchait désormais le long d'un petit précipice. En contre-bas un ruisseau chantant et à l'onde des plus claires. Il fallait partir et vite. A tous moments les sernaïms se rendraient compte qu'il avait réussi à s'échapper. Oui il était parti. Sans demander son reste et profitant des moments d'inactivités habituels pour des gardes de cet acabit. Furent-ils des sernaïms. Il avait été bien formé. Mais cela presque personne ne pouvait s'en douter, personne à part Chiara sans doute... Son épée dans le dos pour faciliter ses déplacements il cherchait à oublier. La liberté l'appelait, généreuse de naturel élan, mais sa lâcheté également le rattrapait. Elle lui rappelait qu'une fois encore, il fuyait sans affronter ses démons. « Comment prendre le meilleur sur ces esclavagistes ? Ils sont bien trop nombreux, je ne fais pas le poids... » Il se répétait qu'il avait fait le choix le plus judicieux. Pourtant cela n'entamait en rien un profond sentiment de culpabilité. Il s'en voulait, se sentait couard. Pourquoi ? Parce que simplement ce qu'il fuyait ce n'était guère l'affrontement inégal et évidemment perdu d'avance contre les sernaïms. Ce qu'il fuyait c'était son attrait pour elle. La jeune et jolie fille des terres du nord qui désormais peuplait ses moindres pensées. Au bout de quelques heures il s'arrêta. Dérangé, fiévreux, écœuré. Alors pour endiguer sa frustration il hurla tout l'air que ses poumons étaient capables de répandre dans l'éther. Il hurla tellement fort que sa cage thoracique lui sembla céder sous les tremblements de son diaphragme. Puis il planta son épée dans le sol, gratta machinalement sa nuque et crut sentir sous ses doigts le tatouage de son nom véritable : E S T F A N, le couronné. Pouvait-il nier sa propre nature et son inclinaison à la noblesse d'âme ? Allait-il continuer à se cacher sa vie durant ? Pour toute réponse le revoilà devant l'immense Sernomme qu'il quittait quelques heures plus tôt. Épousant la pénombre il se faufila dans l'immense vaisseau de sable et fut saisi par le calme qui y régnait. Ce qui l'apeurait tantôt le calmait paradoxalement dès lors.

Les trouver... Place n'était plus permise à l'erreur. Il devait atteindre cette fille. Et pour cela regagner l'une des trois grandes chambres des esclaves. On l'apostropha : « Olà ! Qui va là ? » Il répondit. « Ah t'es le nouveau ? Sont pas tes quartiers ici. Tu t'es déjà perdu ? » Un rire gras ponctua la moquerie. Il devait coute que coute se jouer d'eux. Alors il fit semblant de repartir d'où il venait, et redevenant une ombre de nuit il les occis. Purement et simplement. Sa lame traversa leur nuque de part en part. Il ne pouvait plus reculer. Quatre cadavres derrière lui et le voilà qui pénétrait la salle du malheur. Un haut le cœur s'empara de lui. Non à cause du sang qu'il avait désormais sur les mains, mais à cause du futur qui s'offrait à ces gens. Des sous-hommes, des esclaves vendus dans les pays les plus reculés ou les plus barbares de ce monde. Là où la loi des Neuf Grands Pays n'était pas arrivée. Pas officiellement en tous cas. Pouvait-il accepter une telle tragédie ? Ses souvenirs refirent surface. Le palais, le sang, les morts, la vengeance. Plus jamais. Sa lame se nourrissait des âmes qui croisaient son chemin. Dix morts. Tous assassinés par derrière, lame dans la trachée, dans le plus pur style de son maître et mentor. Un homme pourtant cria : « A moi ! Trahison ! On nous tue... » Le temps qu'il s'échappe DarkPain s'élançait et le traversait de part en part. Il mourrait dans la souffrance le cœur planté par l'épée triste d'Estfàn le déchu. DarkPain... L'épée de son clan. Tout revenait. Puisque les siens avaient péri dans les flammes pourquoi diable se parerait-il d'une quelconque pitié pour des commerçants d'âme ? De vils vendeurs de destinées ? Il ne pouvait faire machine arrière désormais. Alors à s'époumoner il apostropha les visages livides incrédules, creusés par le manque et la faim, la peur ou le désespoir : « Si vous voulez vivre battez-vous ! Suivez-moi ! La liberté se conquiert par la volonté et le courage ! Si vous êtes des hommes reconquérez votre fierté, sinon vivez comme des sous-hommes ! »

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant