ELEANOR II

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Qui savait ce qu'il adviendrait de quatre femmes au milieu d'hommes mourant aux confins du monde, loin des leurs et au bord de la folie? Ognjen s'énervait. Il piaillait. D'autres commencèrent aussi à lever le ton. Pour ou contre, ça n'avait pas d'importance. Mais l'envie grégaire d'en finir ou d'en découdre devant une mort imminente gagnait naturellement ces hommes durs, libres, habitués aux vents, aux plaines vides, immenses d'herbes et de hauts plateaux alentours. Il fallait agir et vite. Ognjen répandit encore un peu de son venin contagieux et voulut sortir son arme. Quelques secondes et un sifflement sec plus tard sa tête roulait sur le sol. Yvan s'était rapproché et sans prévenir lui avait décollé le chef du reste du corps avec son tendraïr. « Tu n'étais plus un loup. Mais un chien apeuré Ognjen. D'autres hommes veulent rejoindre le chien ? » Yvan affrontait ses frères du regard. Il ne voulait pas qu'ils haïssent Nadia alors il endossait ce rôle ingrat, celui du bourreau. En temps normal tous lui auraient donné raison. Mais là... Une voix osa s'élever : « Alors que vas-tu faire Yvan mon frère ? Tuer tous ceux qui disent la vérité ? Que proposes-tu ? Attendre la mort patiemment ? » Au même instant une voix rauque couvrit l'atmosphère. Une odeur de cigarette... « Et bien l'ami ! Pas besoin de mourir si jeune, si ? Rangez-moi donc ces armes, pas devant les dames ! Il y a toujours un moyen de s'en tirer. » Provoquant, inaccessible et nonchalant. Cette barbe courte et ces yeux tombant, ce sourire immense et l'allure brillante de sa chevelure argentée. Eleanor n'en croyait tout simplement ni ses oreilles ni ses yeux : Yoroï ! Un sentiment de paix et de sécurité l'enveloppa tout à coup.

Elle se leva et parla d'un trait : « Ne vous laissez pas emporter par la peur ni la détresse amis ! Nous trouverons une solution je vous le promets. Écoutons-nous et entraidons-nous. Ne pouvez-vous vous persuader que l'espoir existe toujours ? Tant que nous vivons, tant que nous respirons alors il est permit de croire à un dénouement heureux ayez foi en moi. » Yoroï lui sourit. Elle lui rendit ce sourire. Il s'avança sous l'œil méfiant et mauvais des loups. Se dirigeant vers Nadia il se présenta avec déférence et salua également Eleanor. Yvan ne le lâchait pas des yeux. « Il y a une ouverture plus basse que les autres à quelques heures de marche. Je suis tombé par là mais seul je ne pouvais passer. Je me dis qu'à plusieurs hommes et en se portant peut-être... » Il donna plus de détails et raconta comment il s'était fait lui aussi piéger. Nadia devant ses hommes les harangua, les persuadant qu'ils vivraient, qu'ils ne partiraient pas de cette île sans avoir remporté la gloire et l'Épreuve ! L'espoir revenait, les loups hurlèrent. Le pauvre Ognjen gisait et sa dépouille encore chaude témoignait d'une mort inutile et sans honneur. Ironie du sort. Yoroï prit la tête des hommes. Ils marchèrent pendant deux bonnes heures. A l'affut et inquiets. Puis ils purent tous constater que ses dires étaient vrais. Yvan rangea son tendraïr et claqua l'épaule du gris Yoroï. « Je t'ai mal jugé homme. » Il tira une bouffée de son tabac et dit avec un calme étudié : « Nous avons certes une solution. Mais nous ignorons si elle fonctionne... »

Là le ciel n'était pas à une hauteur équivalente à six mètres, mais plutôt quatre. Malgré la roche qui s'effritait les hommes essayèrent de grimper, d'escalader, de se porter, de servir d'échelle. Toutes les configurations furent utilisées mais à un demi-mètre d'une assise ou d'une prise l'on tombait toujours. Pendant des heures tous s'y mirent. Les vingt loups restant et leur chef, les quatre étudiants et Yoroï. Mais rien. Pas vraiment étonné il s'arrêta et sortit son tabac. Il souffla des vagues entières de fumée, signe de réflexion chez lui. Eleanor confiante attendait le fruit de sa réflexion : « C'est dommage mais je crois qu'on a tout essayé. Pourtant nous ne sommes vraiment pas loin. On va pouvoir les laisser se massacrer. » Il grimaça sans plaisir. Suzan ne put s'empêcher de lui dire à quel point sa réflexion était dénuée d'intérêt. « Stupide ». Imperturbable il fuma. Eleanor ne voulait pas y croire. Ils allaient vraiment mourir ? Comme cela ? Non... Non et non ! Nadia semblait résignée de douleur. Tout comme ses hommes. Suzan ajustait ses cheveux bouclés, Hilda ne voyait que Friedrich lequel la gratifiait du même traitement de faveur. Yoroï s'approchant dit gravement : « Tu t'es déjà préparée à mourir ? » Elle le repoussa instinctivement : « Ne dit pas n'importe quoi ! » Elle ne voulait pas mourir, il restait encore tellement de choses à faire, à vivre, à dire à sa sœur ou à sa grand-mère. Elle ne mourrait pas sans les revoir. Sans le revoir... Shun. « Attends-moi. »

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant