Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis la disgrâce de Bastian. Disgrâce que Phybraz avait lourdement contribué à adoucir. Il s'en croyait quitte pour un moment. Et pourtant... Bientôt lui parvenait un message entre deux couloirs, coutume éprouvée dans l'Empire, surtout en sa capitale Ordia. Un entretien ? Avec qui ? Épais mystère. La lettre cachetée du sceau impérial ne permettait que peu d'alternatives: Lion Blanc sur champ bleu. Comment ne pas s'y soumettre ? Bientôt il se rendait à Roses-Lion, autre nom du Palais impérial. Quelle ne fut pas sa surprise lors qu'attendant dans un salon aux tons clairs et pastel il fut introduit sur une terrasse donnant sur une roseraie. Jusque-là rien d'anormal dans le palais éponyme.
Ce dernier présentait dans tout le parc alentour, dans chaque jardins, des roses d'espèces différentes, des fleurs rappelant les roses cent-feuilles, de Richelieu ou encore Alba. Là on découvrait des fragrances évoquant la Sylt ou la Maiden's Blush. Chaque recoin possédait du reste son ton propre puisque les jardiniers semblaient ordonnancer leur distribution paysagère au carré près. Quel spectacle ! Phybraz n'en croyait pas ses yeux. Le voilà hagard devant la mythique roseraie impériale. Légendaire car interdite d'accès. William refusait d'y laisser entrer quiconque. Il crut bon de s'avancer.
Son souverain, appuyé sur des garde-corps de métal et de marbre semblait songeur, perdu dans les ondes bleutées qui s'étalaient devant lui. Vous penseriez au ciel azurin j'en suis certain... Comme l'on peut se tromper... En face de Phybraz c'était la roseraie elle-même qui s'étendait dans les bleus les plus divers. Saphir, Pétrole, Smalt ou Nuit. Un nombre appréciable de teintes s'épanouissaient là de ses pieds au relief paysager. Sans oser prononcer un mot il se tourna vers le seigneur suprême de ces terres et lui offrit un regard interrogateur pétri d'admiration.
William grisé dit avec détachement que ces fleurs ne s'épanouissaient pas naturellement. Elles étaient le fruit d'un travail de sélection et de greffes commencé des années auparavant. « Elle adorait les roses ». Mais cela... Cela c'était avant. Un voile de bonheur illumina son dur faciès pendant quelques secondes et son terne visage atone reprit ses droits. De sa stature imposante et brave, un lion, il demanda à notre ami si ce dernier connaissait la culture de la rose ? Phybraz, bien que ce fût fort rare, avoua son ignorance.
Alors le monarque lui expliqua calmement, patiemment quelques-uns des secrets de ce travail besogneux mais passionnant. Il en ressortait une recherche et une obsession constantes doublées d'une profonde discipline. Cet homme était un véritable artiste. Qui l'eut décelé derrière sa fière allure impériale. Et puis advint le moment de parler réellement. Mais apparemment il voulait aussi prendre son temps. En tous cas tester sa patience. Phybraz se montra compréhensif... Il le fallait, il n'avait jamais été convié seul et encore moins en la présence unique du Lion de Victor. Connaissait-il les Pays de l'Est ? Portant une main à son menton clairsemé d'une courte barbe le maître absolu du plus grand empire du monde dit avec amusement :
« Ou de l'Ouest. Tout dépend par quelle mer vous vous y rendez... » Décidément cet homme le décontenançait de plus en plus. Loin ! Très loin l'image solennelle, rude, rigide et calme du surhomme qui dirigeait l'état le plus vaste et le plus puissant des Neufs Pays. Car comme toute l'engeance masculine du mythique Victor premier du nom, le Lion fondateur, père de ce qui alors n'était qu'un royaume, William se détachait du commun des mortels par ses attributs physiques outranciers de puissance. Un géant ! Voilà en tous cas ce que ressentait Phybraz qui malgré une condition et une allure avantageuses se sentait subitement atteint d'un sordide nanisme. Les lois de la nature... Il se décida à répondre tout de même. Non il ne connaissait pas les régions orientales, ou occidentales peu importait. Mais en penseur, en humaniste et en philosophe convaincu il avait bien sûr lu tout ce qu'il avait pu sur ces civilisations riches et diverses.
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Le Pacte du Roi Livre I
FantasyQuelque part dans ce monde, sur la plage de "Kotobikihama" au large de Kyoto, Rolann et Shun s'affrontent au travers d'une violente joute verbale révélant les non-dits douloureux des années passées. Nous sommes en 2011 et le pays du soleil levant v...