SHUN II

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Les yeux à demi-clos, la peur de perdre ses amis et surtout de voir disparaître Izumi semblait décupler ses capacités. Il évita un assaut, repoussa le second et dès le troisième désarma violemment son adversaire. Ce dernier s'en étonna : « Mais... Comment ? » Shun ne répondit pas. D'autres problèmes se bousculaient dans son esprit. La protéger... Je dois la protéger... Mais on le frappait dans le dos. Désarmé, l'attaquant s'était muni d'un fin stylet. Shun eut à peine le temps d'absorber la main dangereuse, de la retourner et de placer une clé de bras. Puis il immobilisa le corps par une pression au niveau de la gorge : « Je te le dis. Tu ne peux pas me battre. Fuis et je te laisserai la vie sauve. Répète cette folie et je te tue. » Le regard du disciple, fils du dojo Tanaka semblait soufflé dans la glace. Une voix féminine fit sursauter le malheureux : « Yun ! » Elle lança des sortes de boule de fumée qui firent reculer Shun. Ce dernier se protégea les yeux. Et dans la tourmente, dans l'espace empli de cet épais voile verdâtre, on eut dit qu'il dominait la masse. Ses cheveux tellement longs et fins, sa tenue d'étudiant de la Faculté Universelle immaculée aux coutures bleutées. Il eut une sorte de vision à ce moment précis. Les gens se battaient, ils se trucidaient, ils se tuaient. Pourquoi ? Pour la reconnaissance et le nom, pour plus de pouvoir. Ne faudrait-il pas aider ces âmes perdues ? Ne faudrait-il pas trouver une manière d'empêcher cette effusion de violence ? Chez lui la violence existait bien sûr, hypocrite et condamnée par les masses. Contournée ou utilisée par les puissants. Et là aussi, forcément, cette dernière demeurait. Nulle part le fond ne contenait véritablement la forme. Pourtant il ressentait chez les Magistères le souci de protéger, d'accompagner, de juguler tout de même cette violence viscéralement humaine. Et puis... Les gens de ce monde semblaient se conformer à des sortes de codes malgré tout.

L'Épreuve aussi brutale qu'elle fût en attestait significativement. Les âmes du monde entier s'affrontaient pour élire les futurs leaders dans les Grands États qu'ils appelaient les Neuf Pays... Il fallait protéger cet équilibre. Et là on lui donnait le moyen d'y parvenir. Un cri le tira de sa stase. Il parcourut le champ des affrontements et reconnut l'homme qui plus tôt avait parlé le premier. Vautré sur Izumi il la rouait de coups et semblait en avoir après son corps... San demeurait inerte, sans doute assommée ou pire, sans vie. Izumi se débattait et résistait étonnamment bien, mais le puissant mercenaire prendrait le dessus tôt ou tard : « Laisse-toi faire bon dieu ! » Shun mit du temps à gérer ce qui se bousculait en lui. Au même moment au loin, Log et Toji affrontaient une femme grande, osseuse, aux cheveux courts et à la mâchoire carrée. Elle s'exprimait avec beaucoup de courtoisie : « Excusez mes manières brutales mais je n'ai pas le choix. » Elle souleva un sabre qui devait au moins faire la moitié de son propre poids et sécha l'espace. Toji et Log bloquèrent ensemble cette lame qu'ils ne pouvaient éviter et ripostèrent au mieux. Toji cracha vindicatif : « Chiens du Pays de Jun... Vous allez voir qui nous sommes ! » Son maquillage rituel coulait sur son visage, offrant des traînées rougeâtres effrayantes. Le son du métal contre le métal. Tetsuo réussit à stopper ses adversaire directs mais d'autres arrivaient et sa méthode de combat basée sur une utilisation continue du Pouvoir lui demandait beaucoup d'énergie pour finalement peu de résultats. « Je ne suis guère un combattant que diable ! »

Deux hommes le prirent en étau. Ils pouffèrent ironiquement en l'observant si petit et penaud. Il se vit perdre et pour de bon. Pourtant l'incroyable se produisit : « Il est à moi, pourceaux ! » Une bassine de cuivre assommait les deux mastodontes. Et un pied dans une sandale leur écrasait à chacun le museau : « Je t'ai manqué nabot ? » Sôra ! Paradoxalement dans sa voix une sorte de gentillesse. Il se toucha méchamment le front et les yeux fermés murmura : « Tue, tue, tue, tue !!!! » Tetsuo ne sachant bien s'il devait se battre encore ou s'arrêter ne bougeait plus. Alors on l'invectiva : « Aller ! Tu comptes dormir là jusqu'à demain ou quoi ? Bloque-les moi avec ta technique de rat de bibliothèque que je puisse me les faire. Tous... » Il se releva et ramassant son livre s'exécuta. Sakura se battait contre une autre femme. Celle qui devait être le chef, celle qui persiflait plus qu'elle ne parlait. Cheveux longs, trop longs car quasiment au niveau du sol. Tenue grise et botte hautes, elle possédait comme tous les autres un par-dessus de la même teinte. Pourtant le sien possédait des motifs laissant penser à des taches de camouflage. Un peu comme un serpent. Elle usait d'une arme étonnante. De métal fin, il s'agissait d'une pointe non coupante mais terriblement affutée. Sakura qui n'utilisait pas d'arme en évitait avec grande difficulté les assauts. Elle reculait et reculait encore. De l'autre côté Shun se laissait aller à la fureur. Une rage qu'il ignorait jusque là dissimuler.

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant