CASSANDRA I

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L'immensité de ces terres, ses terres, se dessinait au lointain. Et petit à petit ce qui n'était qu'un point blanchâtre dans l'océan perdu se distingua, s'offrit à la perception dévoilant la multitude des aménagements, des voies, des tours plurielles et diverses. De verre, de transparences, de matières dures raffinées splendides.

Cherchant toujours à atteindre l'éther. Tout en répondant à un ordre maîtrisé. Oui, dans sa superbe inégalée la fierté victorienne éblouissait par la puissance de ses hautes cités riches et prestigieuses. Du haut d'une sorte de vaste salle de commandement, faite de lignes courbes et élégantes, elle observait son pays se rapprocher doucement. Les mains en poing derrière le dos, les jambes écartées, droites, elle imposait du haut de ses cuissardes blanches un respect martial si puissant que nul n'osait s'exprimer ou s'esbaudir en sa présence.

Le regard dur, froid, intense d'un bleu de ciel paré de paillettes d'or, elle observait silencieusement le spectacle de son arrivée au travers du panoramique vitré auquel elle faisait face. Tout en elle émanait d'un sentiment d'autorité, de commandement. Ses formes avantageuses et sa beauté féminine réelles, loin de l'amoindrir, accentuaient la pénibilité d'obéissance qu'elle réclamait. Ou plutôt qu'elle imposait. Une femme de guerre, une déesse farouche, voilà qui était Cassandra. Plus d'un déjà s'était vu rétrograder où pire, répondit de ses actes au cours de duels qu'elle finissait toujours par remporter. Mais cela c'était avant, bien avant qu'elle ne devienne le Premier Chevalier de l'Ordre du Lion et le général en chef de l'armée de l'Ouest.

Toujours vêtue de blanc, lequel se voyait invariablement soutenu par des teintes légères d'opale, de ciel ou de violacé. Elle concédait pour ses pantalons un bleu profond et sans nuances. Toutes ses coutures étaient en or. Les fins brandebourgs qui paraient sa poitrine généreuse, compressée derrière un dolman d'un blanc lunaire, étaient eux-mêmes sertis d'or. Cuissardes et gants longs, blancs faut-il le préciser, terminaient aux articulations sur des dorures nervurées. Sa longue chevelure ondulée d'un auburn doré s'enflammait de blond au soleil et un diadème filiforme rayant le milieu de son front venait parfaire le tout. Elle fut prévenue de la descente imminente du LeonHart, la nef splendide qui lui servait de vaisseau.

Se posant sur les eaux de la ville côtière de Gainea avec une légèreté digne du plus gracile des rapaces, le LeonHart accosta. Il lui fallait patienter le temps que ses hommes s'assurent de la sécurité et des dispositifs inhérents au protocole impérial. Mais l'on ne faisait pas attendre Cassandra. Celle qui portait le titre de première princesse de l'Empire créa un passage dans ce qui se voulait une garde et, sans ménagement, sortit de son céleste navire. Elle toisa les hommes qui, heureusement pour eux, tenaient déjà leurs positions. Alors... Qui avait reçu l'illustre honneur de venir se pavaner devant elle pour saluer ses prouesses de guerre ? Keith Firstmind s'était déplacé en personne.

Le ministre impérial des armées. Un allié de toujours. L'accompagnait une cohorte de secrétaires dont elle oubliait fréquemment les noms et dont elle ne faisait pas grand cas. Bien. Voyons-donc qui se trouve à ma gauche? Elle s'arrêta sur un visage connu, respecté et considéré. L'un des seuls hommes qu'elle estima réellement et le seul Chevalier, à part son propre père, pour qui elle éprouva une crainte sincère : le capitaine des Faucons Neil Highwind. Malgré sa confiance frôlant l'arrogance saupoudrée d'une allure d'amazone elle ravala rapidement sa salive. Pourquoi cet homme la rendait-elle aussi nerveuse ? Il représentait tout ce qui faisait la fierté victorienne, alors pourquoi ?

Il ne s'agissait pas d'attirance sourde, non, ni de répugnance. En plus de bénéficier d'un succès mérité chez la gente féminine Neil se montrait galant homme. Comment se fît-il qu'elle se défia de lui de la sorte ? Elle décida d'effacer ce sentiment. Son regard se porta sur celui qui lui tenait compagnie. Ils semblaient s'entendre excellemment bien. Pourquoi diable fallait-il que lui aussi soit là, le jour de son retour, le jour de sa victoire ! Lui...

Le Pacte du Roi Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant