En quittant le parc il prononça machinalement Hanami... Il ne voulait pas rentrer et demanda qu'on le conduise au quartier de la vielle ville de Kyoto, Gio.Il s'arrêtèrent un peu avant et non sans difficulté trouvèrent un espace libre pour y laisser leur noir véhicule. Et c'est là qu'entre les rues sans âge bordées par l'architecture de l'ancien japon, les passants, les touristes et élégantes apprenties geishas,les maiko, il s'emplit de cet univers plusieurs fois centenaire. Ce tableau unique, il remerciait les dieux de pouvoir l'admire. Bousculé par un enfant qui courait, il se retourna sur les boutiques d'artisanat traditionnel.Objets en tous genres, céramique, poteries, estampes... Il passa devant un masque dont les proportions ouvragées rappelaient assez une sorte de visière tant la matière couvrant les tempes étaient longue et fuselée. Il voulut le prendre et observa le sourire vide de dents qu'affichait la vieille vendeuse. Déjà son chauffeur lui prenait le bras, lui proposant de se détendre dans une maison de thé. Il ne fut guère difficile à persuader, après tout ce saké,un peu de thé lui ferait le plus grand bien.
L'établissement semblait étroitement ancré dans le passé. Jaune fruité, verts pâles et vert-canard, teintes de bruns foncés au marron clair, noir laqué... Voilà les couleurs qui dépeignaient l'intérieur ombré.Ils s'assirent et furent rapidement servis par une adolescente.Petite de taille et mince, souriante, ses cheveux attachés lui tombaient jusqu'à la taille. Ils ne burent pas deux tasses qu'il perçut derrière eux le ton monter de façon péremptoire.Pourquoi donc ? Il prêta plus d'attention et comprit rapidement de quoi il retournait. Le chef de l'établissement buvait le thé avec ce qui semblait être un gros propriétaire terrien doublé de son créancier. Manifestement les dettes s'étalaient depuis plusieurs années et grossissaient. Il demandait à juste titre, qu'on le rembourse. Et comme l'on pouvait s'y attendre, Benjiro car c'était là son nom, ne le pouvait. Il entendit distinctement une voix rauque et sévère déclarer : « Le destin se joue toujours des hommes,il leur appartient cependant de choisir entre l'espoir et la détresse ».
Il sursauta. Il lui semblait connaître cette sentence, ou tout du moins en ressentir la portée, le sens. En ce jour printanier de fête et de célébrations, Akio, car c'était son nom, avait bu. Sa patience de même que son bon sens semblaient s'être évaporés durant la journée. Se levant héroïque il articula avec prestance et sérieux : « Jouons alors ! Le jeu de Go va décider et accélérer les choses. Je gagne tu me cèdes ton commerce. Je perds tu n'as plus de dettes » ! Akio excellait à ce jeu de stratégie auquel il s'adonnait depuis sa plus tendre enfance. Benjiro lui se débrouillait mais comment ne pas accepter ce défi qui lui était lancé en pleine figure dans son propre établissement! Chez lui...Devant sa famille.
Il accepta, non sans que femme et fille protestent abondamment. Ils commencèrent donc la partie. Les règles étaient simples. Deux victoires pour départager les joueurs et une durée de partie fixée à une demi-heure. Les coups de ce fait se voyaient portés avec une certaine rapidité compte tenue des possibilités quasi infinies en terme de durée de ce jeu plusieurs fois centenaire, dont les héros avaient certaines fois étalé une partie sur plus d'une semaine ! Certains des clients s'étaient rapprochés et observaient avec une certaine excitation la scène. L'avenir des lieux se jouait là après tout. Parmi ces derniers Rolann. Très vite le créancier démontra une supériorité stratégique manifeste. Benjiro n'était pas en reste mais son adversaires'avérait meilleur, tout simplement. La partie s'étalait... Il finit par échouer devant le regard consterné de sa femme. Lui- même commençait à comprendre qu'il était en train de perdre ce qui faisait toute sa vie. Pourquoi avait-il accepté ce marché stupide ?
Ils firent une pause durant laquelle Akio se fit porter à boire. Un contentement compréhensif se lisait sur son visage empourpré par l'alcool. Benjiro lui aussi s'autorisa une coupe de saké. Rolann jouait avec son casse-tête qu'il résolvait pour la énième fois et trépidait d'impatience. Il trouvait la stratégie du gérant mauvaise. Ses territoires mal assurés, il passait trop de tours. Par ailleurs son jeu émoussé trop perceptible, évident, lisible, ne gênait en rien son adversaire expérimenté. À mesure qu'il analysait la partie terminée il imaginait comment lui aurait joué.Déjà ils se mettaient en tête de reprendre la partie.
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Le Pacte du Roi Livre I
FantasyQuelque part dans ce monde, sur la plage de "Kotobikihama" au large de Kyoto, Rolann et Shun s'affrontent au travers d'une violente joute verbale révélant les non-dits douloureux des années passées. Nous sommes en 2011 et le pays du soleil levant v...