TW/violence psychologique
__________Ça y est, j'ai mis le doigt dessus.
Ce n'est pas de la colère. Ce n'est pas de la tristesse.
C'est de la peur.C'est une terreur à l'état brut, qui donne le rythme cardiaque d'une souris, qui fait trembler de tout le corps, tétanise, noue les entrailles. Un seul léger haussement de ton et ça y est, la peur est là, enserrant mon corps dans son étreinte glaciale.
C'est fourbe, la violence psychologique. Elle est invisible, à peine tangible, pourtant elle fait des ravages, elle marque l'esprit pendant des années et, trop aveugles à cette brutalité silencieuse, on reste brisé sans le savoir, sans comprendre ces réactions disproportionnées.
C'est depuis ce jour, où tu m'as déclenché ma première crise d'angoisse, ou de panique, ou les deux. Je me suis effondré, c'était la chose de trop. Je tremblais et je pleurais devant toi, mais tu ne comprenais pas. Je ne suis même pas sûr que tu voyais ce qui m'arrivait. Tu étais trop fixé sur ton objectif.
J'ai pleuré, après ça. J'ai pleuré. Je ne pouvais pas m'arrêter de trembler, violemment, une vraie crise incontrôlable. Je me suis serré dans mes propres bras, j'ai mis un deuxième pull – j'ai eu la naïveté de croire que c'était le froid qui m'agitait ainsi.
Ensuite je me suis réfugié chez maman, le soleil après l'orage, je riais de bonheur et de soulagement, je sautillais dans tous les sens. Qu'il était bon de s'affranchir de ce poids ! De se sentir libre, léger ! Presque invincible !
Bien sûr j'ai dû revenir. Et chaque fois, tu tentais de recoller les morceaux, mais en faisant tout de travers. C'est comme si en tentant de réparer une assiette brisée, tu faisais maladroitement tomber les éclats par terre, les explosant à nouveau.
Et mes crises ont continué, j'ai trouvé le remède magique contre mes noyades mentales. Rien que de voir un reflet sur le métal et la tempête en moi se calme.
Puis j'ai parlé. D'abord à Candle (joli pseudo pour qu'il ne se reconnaisse pas). Il m'a cassé sans le vouloir, lui aussi.
Quelques jours noirs. J'ai voulu mourir.
Enfin, j'ai parlé à la bonne personne, celle qui est là pour ça. J'ai pleuré quand je lui ai dit. Elle avait un air tellement, tellement désolé. Elle prenait ça au sérieux. Elle a promis qu'elle allait m'aider, qu'on allait me recoller le cœur, que tout cicatriserait pour de bon.
Rien que le fait de m'ouvrir à elle a écarté mes démons pendant plusieurs bonnes semaines.
Mais il y a eu deux rechutes. La première, j'ai bien failli céder. Après tout, une cicatrice, c'est pas cher payé pour le bien fou que ça procure, d'autant que je fais mes plaies très propres, avec un calme froid, je laisse le noir reculer puis hop ! désinfectant, on rabat le t-shirt et terminé.
Bref. J'ai résisté. Je ne voulais pas décevoir ma sauveuse. Et ce besoin de plaire et de satisfaire ses attentes m'a empêché de porter la main à la lame. J'ai respiré. Cinq à l'inspi, cinq à l'expi, pendant cinq minutes. Garder les yeux ouverts. Énumérer les choses que j'entends, que je vois. Noter chaque détail, se concentrer sur n'importe quoi qui soit de l'extérieur.
Ça a marché.
Il y a quelques jours j'ai eu ce déclic. J'avais oublié de vider le lave-vaisselle. Tu as pris ta voix en colère et je me suis mis à trembler direct. J'ai filé dans ma chambre, je me suis murmuré des mots rassurants et j'ai réfléchi.
Maintenant, je sais. Les réactions violentes de mon corps sont causées par la terreur. Ce dont j'ai besoin maintenant, c'est pas d'arranger ma relation avec toi. J'ai besoin de prendre de la distance. Beaucoup de distance. Deux-cents kilomètres devraient suffire. J'ai demandé au juge de te voir le moins souvent possible, et ça t'a blessé, mais tu n'as pas compris que si je continuais à te voir, j'allais mourir. Je ne sais pas ce que tu t'es imaginé mais tu ne t'es pas dit que c'était une question de vie ou de mort pour moi.
J'ai besoin de panser mes blessures. De colmater mes fissures, de retrouver une certaine insouciance. Et ça, navré de te le dire aussi franchement, je ne peux pas le faire avec toi.
Alors notre relation attendra, que ça te plaise ou non. À partir d'aujourd'hui je cesse de vouloir te plaire au détriment de ma santé mentale.