7 octobre 2023
__________Il y a quelques semaines, le copain de ma mère, durant une discussion sur les oppressions systémiques et la situation des femmes au cours de l'Histoire, a sorti « c'est horrible, ce qu'on vous a fait subir, je suis d'accord avec toi ». Sur le coup, ça m'a mis très en colère. Pourtant, il n'y a pas de raison : au contraire, ça aurait dû me faire plaisir, non ? Spoiler : non.
En disant ça, il s'est placé dans le rôle de l'homme déconstruit, celui qui reconnaît que le patriarcat c'est de la merde et qu'il faudrait peut-être accorder des droits aux femmes. C'est très facile de prendre ce rôle quand on est un homme cishet, blanc et aisé, qui a tous les privilèges.
Or, l'homme déconstruit n'existe pas et n'existera jamais, parce que, qu'il le veuille ou non, il fait partie du système et contribuera, même à son insu, à perpétuer des schémas patriarcaux – les femmes auront peur quand il marchera derrière elles la nuit, tout le monde se taira pour l'écouter quand il coupera la parole à une femme, et ainsi de suite.
Et puis cette phrase, « c'est horrible, ce qu'on vous a fait subir », tout d'abord il la met au passé. Bien sûr, la condition de la femme s'améliore un peu de nos jours, m'enfin on ne peut très certainement pas dire que tout est résolu et qu'elles sont à égalité avec les hommes, ou que les hommes ont arrêté de se croire supérieurs à elles. Alors parler de ça au passé, ça revient un peu à dire « les hommes du passé ont été terribles, certes, mais regarde, moi, c'est différent, je suis d'une autre génération et je n'incarne plus cette domination ». Avec cette phrase, il se détache de la masse des méchants hommes. Il se sépare de ce groupe pour se placer comme l'homme différent, qui est gentil avec les femmes. Il prend un rôle différent, celui de l'allié qui se dresse aux côtés des femmes et ne fait donc plus complètement partie de la catégorie « homme », ou en tout cas « méchant homme ». Sauf que ce rôle ne peut pas exister, comme je l'ai dit plus haut : il bénéficiera toujours de ses privilèges d'homme et contribuera toujours, même s'il n'en a apparemment pas envie, à écrabouiller les femmes. C'est triste mais c'est le destin de tout homme.
Je vous épargne le reste de la discussion où il a tenté de m'expliquer le féminisme et m'apprendre ce que mes ancêtres ont vécu. Ça aussi, ça m'a beaucoup mis en colère, parce que le mansplaining est un réflexe chez lui. Quand je lui explique un projet artistique que j'ai, je ne sais comment, il se retrouve à m'expliquer comment faire (en plus ça ne colle jamais avec ce dont j'ai envie artistiquement parce qu'il est parfaitement incapable d'écouter suffisamment pour comprendre une personne femme ou perçue comme telle).
D'un autre côté, en plus, il pousse sans cesse ma mère dans une position d'admiration de lui. Il se jette des fleurs puis attend qu'elle acquiesce, et je crois que c'est le plus insupportable pour moi dans leur relation. Voir ma mère servir de gonfleuse d'égo à cet homme parfaitement moyen voire médiocre, ça me donne la gerbe. Ma mère mérite tellement mieux que ce semblant d'humain, cette loque écœurante incapable de la fermer deux minutes.
Je crois que ma mère a de gros soucis avec son rapport aux hommes dans des relations amoureuses.
Elle a été avec mon père, et nous savons toustes quel genre de personne il est. Cette relation lui a fait frôler la mort.
Ensuite il y a eu Thierry, un super gars en apparence. Sauf que, surprise, il était en dépression. Je ne sais pas si vous avez déjà expérimenté de fonder une relation amoureuse avec une personne dépressive, mais c'est pas beau à voir. Une personne en dépression ne s'aime pas ; or, quand on ne s'aime pas soi-même, on ne peut pas aimer quelqu'un d'autre – ou plutôt, on aime mal, de travers, d'une manière un peu tordue, un peu toxique, un peu désespérée. J'ai été des deux côtés d'une relation comme ça, alors je pense que je suis un petit peu légitime à en parler. Bref. Thierry a sacrément amoché ma mère, aussi.
Et maintenant, c'est Monsieur Médiocre. Ma mère est encore dans la phase lune de miel, mais la descente est proche. Voyez-vous, Monsieur Médiocre a été diagnostiqué bipolaire et refuse de se soigner. Sauf que la bipolarité, c'est un trouble vachement lourd à porter et franchement impactant sur le moral. Donc, sous ses dehors heureux et sain, cet homme va vraiment mal. Pour avoir vécu une semaine avec lui 24h/24 (pendant ma tournée), je peux vous dire que c'est criant. Je ne sais plus si j'ai parlé de ses irrégularités dans le chapitre sur la tournée, mais il nous a sacrément fait flipper à certains moments.Oh, et aussi, il est alcoolique, mais à ce stade c'est un détail.