21 décembre 2023
__________C'est riche en émotions fortes, ce soir.
J'ai envoyé « le » message à mon père et ç'a été et est toujours très très dur, même s'il y a des émotions positives là-dedans donc c'est hibou.
Je suis en train de discuter sérieusement avec Pichenette de notre relation, et je lui ai finalement balancé la bombe « je trouve que tu es un ami de merde et je ne veux pas d'un ami de merde ».
6 janvier 2024
__________RUDY
Rien n'a changé depuis cette discussion, je crois. Il me regardait beaucoup la première fois qu'on s'est revus, et je faisais de mon mieux pour agir normalement - c'est incroyablement difficile d'avoir un comportement habituel quand on se sent scruté de la sorte. Puis... rien. Il ne changera pas, il ne viendra pas après moi récupérer mon amitié. La part de moi qui l'espérait est déçue et résignée.
Il tourne encore dans mon esprit, évidemment, surtout après le Mardi. Je ne cesse de les comparer, encore et encore. De réaliser tout ce que je voyais de mon père en Rudy, et qui est encore plus troublant maintenant. J'attends de revoir Rudy pour boucler la boucle, pour avoir tous les éléments en tête et emboîter ce puzzle paternel. Je n'ai pas envie de dire à Rudy que j'ai revu mon père. Il aurait des questions. Il penserait que c'est une bonne chose par définition, parce que c'est ton père après tout. Comme tout le monde. Le monde me rend acide.
MON PÈRE
Je l'ai vu, donc. Il était au bord des larmes à chaque câlin qu'on s'est fait. C'était étrange. Il avait l'air jeune. Ça lui va bien, le bonheur. Je suis content qu'il soit sorti de la dépression dans laquelle il était quand je me suis effacé. Il s'est intéressé à moi, et moi à lui. C'était instructif, perturbant, réconfortant, déstabilisant, anxiogène par moments. Je ne savais pas où poser mes yeux ni comment faire des phrases complètes. Il me regardait beaucoup, lui aussi, avec des yeux qui pétillaient, des yeux pleins d'amour. Il m'avait manqué, l'amour de mon père.
Il me semble que l'amour d'un père est pratiquement magique, étincelant, il est un feu d'artifice d'une discrétion affligeante. Il se lit dans ses yeux, ses sourires, dans la force de ses étreintes. Dans sa voix, aussi, quand il me dit qu'il m'aime juste dans mon oreille, comme depuis ma naissance, comme depuis le début de l'univers. On dirait que les planètes s'alignent quand il prononce ces mots, que je suis traversé de part en part par un rayon de soleil venu tout droit de mon plus ancien passé. Ma chair a imprimé ces syllabes en elle, c'est gravé en moi. Comment mieux l'expliquer...? Ça ne veut pas dire que je sais ou crois que mon père m'aime, parce que j'en doute à chaque fois ; c'est plutôt un rappel qu'il a toujours été là et que ses mots d'amour ont leur connotation particulière et unique, inimitable, que je ne retrouverai chez personne d'autre. C'est une promesse qui dit qu'il sera toujours là, qu'il sera en lisière de mon existence, avec ses défauts monstrueux et ses extraordinaires qualités. Il sera là.