2 avril 2023 | TW/inceste, viol
__________Ce soir, je pense à ces trois enfants par classe victimes d'inceste. Je pense à chaque année de ma scolarité, à celles et ceux qui étaient un peu plus silencieux·ses, un peu plus à l'écart, un peu plus sur la réserve. Je pense à Rémi, surtout. Rémi qui ne parlait pas, Rémi qui avait l'air si terrorisé de tout. Je me souviens que je le trouvais très beau, Rémi, il avait un beau visage et de beaux yeux bruns. Je me souviens qu'il m'intriguait, que je voulais le connaître un peu plus, mais qu'il avait l'air si fragile, si sensible, que le moindre mot lui étant adressé l'aurait brisé en mille morceaux. Notre maîtresse s'appelait Émilie, elle était formidable ; elle allait souvent voir Rémi, lui parler tout doucement, essayer de lui débloquer les mots embouteillés dans sa gorge. Je me demande si elle pensait à ces trois enfants par classe, si elle pensait qu'il était un de ces trois-là. Je me demande si, si c'est le cas, elle est parvenue à lui parler pour de vrai, à l'aider, à le sauver.
Et tout cela, c'est si violent et si silencieux à la fois. On en discute si peu. Si peu de gens sont au courant de l'étendue de ces horreurs et des conséquences irréversibles sur les enfants ; et même s'iels le sont, iels n'en parlent pas.
Comment peut-on prendre du plaisir à broyer la vie et le corps d'un·e enfant ?
Ils ne prennent pas de plaisir sexuel, ou très peu d'entre eux. Ils aiment le sentiment de domination, cette sensation d'avoir un corps face à eux dont ils peuvent faire ce qu'ils veulent. Cette suprématie sur un·e enfant réduit·e à un corps qu'ils peuvent violenter autant qu'ils le veulent. Ces violences sont une histoire de domination, c'est tout. Il n'y a pas de plaisir sexuel là-dedans.
Je pense à Tasneem, aussi. Elle aussi, peut-être. Je pense aussi bien sûr à Bertille et Andrea. Et puis, je pense à ma mère. J'essaie de l'imaginer à treize ans, si jeune, une enfant encore aussi intacte que possible, pas encore cabossée, blessée, massacrée par les adultes. J'imagine le visage de cet homme, j'imagine ses mains et ses gestes, j'imagine ses regards et ses mots. J'imagine son attitude et sa force, j'imagine sa haine et sa frustration.
Et je pleure, je pleure, je pleure, pour tous·tes ces enfants massacré·es par milliers – par millions – tous les jours à travers le monde. Toutes ces enfances mutilées, ces innocences amputées...
Alors parlons.