26 avril 2023
__________Je sais que le suicide va revenir prendre de la place dans ma vie et ma tête, alors j'aimerais écrire sur ce que j'aime dans ma/la vie et sur moi, pour revenir ici quand j'aurai envie de mourir.
Arlo du futur, je sais exactement comment tu te sens. Je te comprends et je veux que tu saches que c'est ok, de te sentir comme ça à cet instant. Souviens-toi qu'on a le droit de faire tout ce qu'on veut, sauf priver les futurs-Arlo de la vie : ils n'ont pas attendu toutes ces années pour que leur tour parte en fumée.
Et puis, il y a de chouettes choses dans la vie. Il y a le soleil d'automne et du printemps, celui qui réchauffe sans brûler. Il y a le feu dans la cheminée, il y a la lumière des bougies. Il y a la douceur des couvertures et le confort du lit les soirs où on est très fatigués. Il y a notre chemise noire et le pull parfait, il y a le t-shirt de Muse et le boxer volé à Florian.
Il y a le poids de Sweety sur nos jambes la nuit et la vibration de ses ronronnements, il y a la lourdeur de Delva quand elle fait dodo avec la tête sur notre torse, il y a son odeur. Il y a l'intelligence de Delva et les moments où ses babines sont coincées dans ses dents et elle a l'air bête, il y a les moments où elle veut jouer et les gros soupirs qu'elle pousse. Il y a les petites pattes de Sweety et ses yeux expressifs, ses miaulements quand la nourriture n'arrive pas assez vite, sa façon de nous commander et s'indigner quand on ne lui obéit pas dans la seconde.
Il y a la musique à écouter, bien sûr. Il y a la voix de Matt, évidemment, qui réveille chaque atome de notre corps comme certaines envolées lyriques de Pomme. Il y a la guitare dans Placebo, la batterie dans Waterparks et les paroles de tous ces artistes. Il y a le charisme de Rem, Seb et Em, celui de Maxx aussi. Il y a les émotions venues de la musique et les moments où on chante à en sortir notre âme de notre corps. Il y a les souvenirs qui viennent avec la musique, il y a la manière dont on s'est construits avec la musique.
Il y a la musique que l'on joue, aussi, mais je ne vais pas en parler beaucoup parce qu'il y a des choses très lourdes qui y sont associées aussi.
Il y a le goût et la texture du chocolat, il y a les spaghetti à demi cuits, il y a les douches chaudes et les douches glaciales, il y a les cuisses qui brûlent à vélo, il y a les livres qui nous exaltent, il y a la physique quantique et les lignes de temps. Il y a les séries et les films, Le Silence des Agneaux et The Fox and the Hound, You et Good Omens.
Il y a aussi tout ce qu'on aime chez nous, Arlo, il ne faut pas oublier tout ça. On aime la couleur de nos yeux et les traits de rire qui les bordent qui se changeront en rides quand leur heure viendra. Il y a nos taches de rousseur qui s'éveillent au printemps, il y a nos cheveux qu'on peut teindre. Il y a certains de nos sourires. Il y a les quelques muscles qui se voient, il y a les jolies vergetures sur nos fesses. Il y a les autres cicatrices blanchies qui témoignent de notre force et qui nous rendent fier. Il y a nos grains de beauté qui nous font rêver du jour où quelqu'un d'autre pourra apprendre leur emplacement et les aimer comme on les aime. Il y a nos grandes jambes et nos genoux rigolos, il y a nos coudes pointus et la sensation des os sous la peau de nos hanches. Il y a le bonheur de s'étirer et celui de se voir entier.
Il y a notre amour pour cette manie de donner un prénom à tout. Solal, Aaron, Salomon, Rosaline, Valentin, Ricardo, Pourpre, Philomène, Eudes, Finneas, Jacques (paix à ton âme)...
Notre amour pour cette obsession pour les cimetières, aussi. Cette envie de tous les visiter, lire les noms des mort·es à haute voix et leur raconter notre vie, arroser leurs fleurs et redresser les pots tombés dans les allées.Il y a notre amour pour ce qu'on apprend, pour ce qu'on comprend de nous-mêmes. Il y a ce qu'on donne à manger à notre cerveau et ce qu'on observe de ce processus, il y a la gestion des émotions et la frustration, il y a la Voix avec qui on discute à présent. Il y a Nick qui prend soin de nous et le jardin dans notre tête, il y a les petits nous, comme des minions silencieux, qu'on aime si fort. Il y a tout l'amour en nous, aussi, tout ce qu'on a à offrir. Il y a les compliments qui sortent tous seuls et l'amour démesuré mais agréable pour celles et ceux qui sont là. Il y a le soulagement d'être soi et de s'écouter, il y a la satisfaction d'avoir raison, d'avoir un cerveau qui fonctionne mieux que la moyenne. Il y a cette gentille guerre entre la voix qui dit que c'est l'égo qui pense avoir un cerveau qui fonctionne mieux que celui de la plupart des autres, et la voix qui pense que c'est juste un fait. Il y a cette voix que j'adore, qui crie tout le temps qu'on s'en fout et qu'on veut kiffer – Arlo du futur, contacte cette voix à nouveau, donne-lui un porte-voix pour qu'elle parle plus fort en toi.
J'ai fait un bon tour d'une partie de ce que j'aime, je crois. Je n'ai pas parlé des humain·es parce que c'est difficile et que beaucoup de choses sont entremêlées.
Maintenant, Arlo du futur, il faut que tu ailles voir quelqu'un pour lui parler de ton cerveau qui veut mourir. Je t'ai fait une liste de gens qui t'écouteront sans te blesser et que tu n'auras pas (trop) peur de déranger :
• Rudy
• Florian
• Lou
• Ma psy actuelle, si tu la vois toujours
• Neal
• Max de l'internet
• Le 3114 (CHUT LE CERVEAU.)
• Le 09 72 39 40 50Au moins une de ces personnes devrait répondre si tu l'appelles, alors n'hésite pas. Ne reste pas seul. Et si aucun ne répond, assieds-toi dans l'herbe et parle à Nick, demande-lui de t'aider. Ou parle-moi. Je vis en toi, moi aussi, et je ne veux que ton (notre) bonheur. Prends soin de toi, Arlo du futur. Tout ira mieux un jour, c'est promis et prouvé. Je t'aime.