Manquer : ne pas réussir, laisser échapper.

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10 mai 2024
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Elle va me manquer, ma mère. Quand je ne pourrai plus supporter sa haine et qu'il faudra tout faire flamber, je contemplerai le vide de son absence, triste et silencieux. Je peux la palper d'avance, cette infinie tristesse, le constat désemparé qu'elle aura toujours fait passer sa haine avant son amour pour ses enfants. Sa haine contre mon père, sa haine contre ma transidentité, sa haine contre la société entière. Si elle avait fait un peu plus d'efforts pour réparer ses cassures, tout irait tellement mieux. Si elle n'avait pas balayé sa thérapie d'un revers de main. Si elle ne s'était pas tournée vers tous ces gens qui lui polluent le cerveau, qui la retournent comme une chaussette et lui arrachent tout ce qu'elle a d'humain... Si elle ne cherchait pas si désespérément quelque chose auquel s'accrocher. Si elle acceptait la Nausée, la fameuse.

J'ai pleuré quand je lui ai dit que je couperais les ponts s'il le fallait. J'ai fondu en larmes. Une madeleine. Une madeleine qui avait perdu sa maman. Là, ce soir, dans mon arbre, j'ai froid et je vais pleurer à nouveau, au milieu de ces moustiques affamés, avec mon chien en bas qui aboie pour que je descende.

Et quand j'aurai jeté ma mère hors de ma vie, qui me restera-t-il ? Même mon frère devient une mauvaise personne. Il a trop intégré les schémas de nos parents. Il aime manipuler, mon frère, il aime se nourrir des autres à leurs dépens. Lou-Ann en fera les frais tôt ou tard.

Il y a trois ans, jamais je n'aurais cru me retrouver dans une situation pareille. Ma mère était mon pilier face à mon père, la personne terre-à-terre à laquelle se cramponner pour ne pas devenir dingue. Elle est partie tellement loin, ma pauvre mère. Elle ne prend plus soin de moi, comme si j'étais déjà terminé : un adulte en attente de s'en aller du foyer. Comprend-elle qu'il y a encore un enfant là, à fleur de peau ? J'ai toujours besoin de ma maman, j'ai besoin de la tendresse qu'elle ne me donne plus ; j'ai besoin de ses mots doux qu'elle ne prononce plus ; j'ai besoin de ses promesses et de sa force, de son assurance. De son amour.

Elle ne me les offrira plus. Je représente tout ce qu'elle hait. Son amour est conditionnel, elle me l'a dit mot pour mot, n'est-ce pas ? Alors grandis, Arlo, défais-toi d'elle à son tour, sors du cocon, envole-toi ; tes larmes tomberont sur la terre et des fleurs pousseront, des tulipes pourpres et des iris violets.

randomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant