27 avril 2023
__________Quand je sais que je sais quelque chose, je deviens arrogant. Dans les rares sujets que je maîtrise, je suis arrogant. C'est de là que viennent mes acides « j'ai toujours raison » et mes impatients « je sais ».
Exemple numéro 1. Rudy m'a demandé il y a quelque semaines de jouer une phrase très simple (clave 3-2 au tamborim), et il a dû passer deux minutes complètes à me l'apprendre, alors que je la connais et la maîtrise déjà. J'ai bien dû l'interrompre une douzaine de fois en disant « Je sais. », et j'avais envie de me donner des gifles mais je pouvais pas m'en empêcher, c'était trop long et inutile, son explication.
Exemple numéro 2. On a monté une estrade sur laquelle on a posé un tapis et des batteries, à l'école de musique. Avant même de mettre les estrades côte à côte, j'ai averti : le tapis était trop grand et on devrait l'aspirer avant de le déplacer. Ils ne m'ont pas écouté. On a déroulé le tapis, ils se sont rendus compte qu'il était trop grand et que ça faisait voler de la poussière partout. « T'avais raison, Arlo. » « J'ai toujours raison. »
Il y a toujours cet intéressant mélange d'impatience, de frustration, d'arrogance. Quand je sais, je sais.
Je déteste perdre du temps à cause de la lenteur de certains cerveaux. C'est en partie pourquoi le lycée est un calvaire pour moi : on me demande de me calquer sur la vitesse intellectuelle du plus lent de la classe. C'est l'impatience du hpi, il n'y a rien de plus irritant que de devoir d'adapter à un cerveau qui ne va pas à l'essentiel immédiatement, qui ne pige pas assez vite, qui n'anticipe pas. C'est infernal.
Puis vient ce sentiment de supériorité, cette confiance qui s'est construite au fil des années, cette estime de moi qui existe à présent. Je sais que mes connaissances sont costaudes, je sais que je sais plus de choses que les autres sur les sujets que je maîtrise.
Exemple numéro 3. Valentin qui a effleuré le sujet de Muse et a cru faire le malin en disant qu'ils étaient quatre en réalité, pas trois. Saloperie de personne avec des connaissances moyennes qui se croit omnisciente. Je lui ai cloué le bec en répondant que oui, bien sûr, il s'appelle Morgan et il était là quasiment depuis le début mais ils l'ont jerté récemment. Son instagram est @captainmorgan et il a un très jeune enfant. J'avais beaucoup de colère en moi en disant tout ça. Valentin touchait à Muse, la moelle de mon squelette, et on ne me parle pas de Muse quand on ne les connaît/apprécie pas suffisamment, merci bien.
J'ai besoin d'excellence chez les gens avec qui j'échange, dans n'importe quel domaine mais c'est encore mieux quand c'est un domaine qui me stimule. Mes ami·es sont d'excellent·es ami·es, iels sont intelligent·es et comprennent vite. Iels ont du répondant. Mon frère est la relation stimulante par excellence : non seulement son cerveau est comme le mien, mais on se connaît par cœur, je n'ai qu'à dire quelques mots sur un sujet et il comprend tout, je n'ai pas besoin de tout décrire, il pige tout en une seconde. J'aime mon frère.
L'arrogance, donc, vient de l'impatience, et l'impatience vient du fait que je sais déjà certaines choses et que je déteste perdre du temps. L'arrogance éloigne les gens, donc ils ne m'expliquent pas ces choses et je peux les comprendre seul, à mon rythme.
Exemple numéro 4. Sur le tableau noir de la salle de musique, il y avait des trucs d'écrits pour l'organisation de la fête de l'école de musique. Rudy m'en a parlé quelques heures après mon arrivée, du coup j'avais déjà analysé et enregistré les infos du tableau. Donc, il a commencé à m'expliquer, je l'ai interrompu en désignant le tableau et demandant si c'était bien de ça qu'il parlait. Il a fait « ah oui, le cerveau quand même... » ce à quoi j'ai répondu avec beaucoup de sarcasme et d'arrogance « wouahh le cerveau fonctionne, incroyable ». Et terminé la discussion parce que du coup, il ne faisait que me répéter ce que je savais déjà.
Je ne sais pas si ce que je raconte est toujours très clair, j'ai tendance à parler de moins en moins clairement ces temps-ci, c'est plus rapide de parler pour mon cerveau que pour celui des autres.
Il y a la traduction, aussi, évidemment. Cette insupportable traduction qu'il faut faire pour être compris des autres. Parce que moi, je n'ai aucun souci pour comprendre les neurotypiques, ils sont tellement faciles à comprendre... En revanche dans l'autre sens, ça rame. Alors je dois traduire, tout le temps. Décrire en détails, répéter, expliquer chaque petite étape de mon raisonnement... Ça demande tellement d'énergie ! C'est dingue.
Bref, tout ça pour dire que j'apprends à me connaître, je reconnais la valeur et la vitesse de mon cerveau, et en découle une impatience terrible qui entraîne à son tour de l'arrogance. Je n'aime pas quand je suis arrogant, pourtant je sais que je ne ferai rien pour le changer. C'est aussi une manière de tester les gens en face, pour voir comment ils perçoivent ça. Il y a ceux qui coupent court à la discussion et me méprisent ensuite, il y a ceux qui ne changent pas et restent neutres, il y a ceux qui comprennent qu'ils peuvent accélérer le mouvement. Ces derniers gens, je les aime :)
Rudy fait partie de la deuxième catégorie, mes ami·es et mon frère de la troisième, ma mère de la première. Les autres, je m'en fous – pardon – et iels ne m'intéressent pas suffisamment pour que je remarque vraiment leur réaction à mon arrogance. Enfin bon.
C'est intéressant, de voir mon cerveau évoluer, de voir les bons comme les mauvais aspects se développer. Je me stimule intellectuellement moi-même, n'est-ce pas merveilleux ?