écrire et cervo

4 2 0
                                    

26 février 2024
__________

Il y a beaucoup d'histoires et de personnages dans ma tête. Ils vivent là, cachés quelque part dans mes entrailles, par petits groupes, hordes entières, ou bien seuls, là, furieux ou noyés de chagrin. Pourquoi croyez-vous qu'on écrit ?

Moi, je pense qu'on écrit parce qu'autrement on meurt, et c'est aussi simple que ça. On écrit parce que c'est énorme, tout ce qui nous traverse : les émotions qui inflamment tout notre être, les pensées qui s'entortillent et moisissent partout où elles peuvent s'infiltrer, les phrases et les ambiances qui naissent sans prévenir en réponse à ce que les sens perçoivent, les petits personnages qui apparaissent dans chaque recoin de notre univers et qui reflètent chacun une part de nous. On ne peut pas écrire quelque chose qui nous est étranger. Alors soit on fait semblant d'être parvenu à s'approprier le sujet (Zola le fait vachement bien), soit on vous livre un bout de nous.

J'en ai laissé des tonnes sur mon chemin, des bouts de moi. Des fragments de cœur, d'âme, des parcelles de ce continent d'anxiété qui enserre mes poumons, et des confettis de ma terreur, des miettes de ma colère. On les sème derrière nous, tous ces trucs plus ou moins moches, comme des bouteilles à la mer, pif paf pouf. On croise les doigts, après, on espère que les gens liront entre les lignes, entre les mots, entre les métaphores et entre le cynisme et la tristesse ; on espère qu'ils comprendront, qu'ils nous verront, nous choperont par le coude et nous aideront à nous relever.

On écrit parce qu'on a besoin d'aide, en vrai. Ceux qui écrivent des trucs de dingue qui vous retournent tout entier comme une chaussette, c'est ceux qui ont le plus besoin d'aide, c'est ceux pour lesquels vous devriez traverser le monde et les époques pour leur tendre cette satanée main. Rimbaud, il me fait ça. Rimbaud, il me transcende, et je vous jure que je le connais, intimement, qu'on est pareil lui est moi juste parce qu'on est des gamins en colère. Il est en rogne, Rimbaud, il voudrait tout casser et il a fait passer ça par l'écriture. Il était très vide, Rimbaud, c'est ça qui le foutait dans cette colère noire (bien qu'elle soit d'un rouge sanguin, sa colère). Il cherchait juste quelque chose à sa hauteur, quelque chose à se mettre dans la poitrine pour se réchauffer et grandir avec, quelque chose à serrer contre son cœur, à chérir ou à haïr parfois. L'écriture l'a déçu, Rimbaud, c'est pour ça qu'il a arrêté aussi sec ; ou bien peut-être au contraire que c'était trop pour lui. Trop intense, trop lui, trop intime.
Il est crevé, Rimbaud. Il en a, de la chance.

Tout ça pour dire quoi, déjà ?
On écrit parce que c'est une nécessité vitale. Il m'a piqué au vif, le dernier sujet de dissert. « L'art est-il inutile ? » J'ai voulu lui hurler dessus, lui demander comment il pouvait oser sous-entendre que l'art peut être inutile. Je le sais, pourtant, qu'il a choisi ça pour rire. Ça l'amuse de nous pondre des sujets en contradiction totale avec ce qu'il pense profondément. Brefons. On dirait que je tourne en boucle sur la philo cette année.

Il faut que je dorme.

randomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant