7 février 2024
__________Mon corps veut quelque chose d'indéfinissable que je ne peux lui offrir. Ça tire, ça pousse, ça grince en moi ; il manque inexorablement quelque chose. Je le comble par Vermeil, en ce moment, et Nick occupe mes journées. Vermeil, ça résonne dans mes souvenirs ; le petit Arlo qui écrivait dans son cahier rouge me manque, et pourtant il est là dans chacun de mes gestes lorsque je martèle le clavier de mon ordinateur. J'aimerais lui montrer comme on a grandi, à ce petit Arlo qui avait tant besoin de quelqu'un pour le guider. J'aimerais le prendre sur mes genoux quand j'écris cette histoire qu'il a inventée, et j'aimerais lui montrer qu'un personnage, c'est bien plus que des cheveux rigolos. Il a tant à apprendre, le petit Arlo. Il serait émerveillé de voir que, certes, on ne s'amuse plus à faire des phrases de dix lignes juste pour s'occuper, mais on élabore des intrigues parallèles, on fait des nœuds dans l'histoire, et puis on réfléchit des heures aux relations entre nos chers petits personnages.
Petit Arlo mérite que je termine Vermeil, alors je le terminerai pour lui, ce texte. Et après... je ne sais pas, je crois qu'il me faudra un rituel bizarre pour me défaire de Nick. Ça fait plus de dix ans qu'il vit dans ma tête, Nick, il débarque quand je m'y attends le moins et tous mes personnages principaux sont des variants de lui : Cléo, Fergus et même Aell – Lune aussi, à l'époque – ce sont des facettes de Nick. Et peut-être bien que lui, Nick, il était le garçon que je voulais être à six ans.
[La bougie rouge sur ma table de nuit a fait une très belle coulure, c'est magnifique.]
C'est fou comme c'est facile de créer une mélodie au clavier, aussi. Un son marrant, trois accords sautillants, et hop, c'est fait. Qu'est-ce qui fait une chanson ? Je n'ai pas percé le mystère de la musique ; sans doute ne se laissera-t-il jamais découvrir. Je ne suis pas la bonne personne, peut-être. Je n'ai pas ce truc particulier qu'ont les musiciens. Est-ce que j'ai le truc de l'écriture ? Ça me décevrait vachement de ne pas l'avoir ; j'aurais l'impression d'avoir fait tout cela en vain, ces années à écrire des pages et des pages, remplir des carnets interminables, vider des stylos, voir même mon écriture qui évoluait au fil d'une histoire, quand j'étais petit et que je cherchais encore mon identité dans ma calligraphie... Je me souviens d'ailleurs de la révolution qu'a été l'abandon des lettres avec de jolies boucles parfaites, qui devaient atteindre le deuxième trait des carreaux de cahiers. Mon père était déçu, ça c'est sûr, il sentait sans doute que j'échappais à l'image de la petite fille parfaite – n'importe qui en aurait été triste, même un tout petit peu. Mon premier geste d'émancipation a été de changer mon écriture, quelque part au collège. Eh bien ! quel esprit révolutionnaire, Arlo...
Je l'ai publié, le chapitre sur les mots ?
J'ai l'impression que celui-ci en est la suite logique.Au début de l'année, mes profs de philo et d'histoire ont félicité mon écriture et ma manière d'écrire. « C'est un plaisir de te lire ! » Ils n'ont pas idée à quel point ça m'a fait du bien. Ça me marquera à vie, j'imagine. Je ne peux pas empêcher le rétrécissement de mes qualités à mes yeux, lorsque personne ne vient les épingler à leur taille réelle. C'est triste ? Oui, un peu ; ça entérine surtout une dépendance qui peut être dangereuse avec les mauvaises personnes (tousse RUDY tousse).
