13 février 2024
__________En octobre, j'ai rêvé d'Icare pour la première fois. On était dans la cour du lycée, pas loin des haies tristounes qui séparent l'espace lycée de l'espace collège. On discutait face à face, il avait ses yeux dans les miens et il souriait – un tout petit sourire – par moments. Et puis je me suis dressé sur la pointe des pieds pour l'embrasser, juste comme ça, tout doucement, tendrement ; je sais qu'il avait ses mains sur moi, mais je ne saurais pas dire où. Je me sentais bien avec et contre lui, je m'en souviens nettement. Il me rendait mon baiser, dans toute la retenue qui le caractérise, et je percevais sa joie, et son bonheur peut-être.
Icare, il est dans ma classe au lycée, et il est objectivement très beau, de ses bouclettes noires à sa démarche, en passant par son magnifique et lumineux sourire (un peu comme celui de Simon, pour celleux qui le connaissent) et ses mains dorées. Tout, chez lui, est harmonieux et s'articule parfaitement.
Ou plutôt, ça serait le cas s'il n'était pas bouffé par cette chose en lui, indéfinissable, insaisissable, tapie derrière ses yeux creux. C'est lui qui est arrivé ivre mort au lycée plusieurs fois, c'est lui qui se fout de tout car sa vie n'a plus de saveur, c'est lui qui a cette colère en lui, monstrueuse, bouillonnante, qui inquiète même ses amis.
J'ai fait attention à lui à partir du moment où, pendant un cours de philo, il a dit que son artiste nº1 sur Spotify était NF. On rigole pas mal en sciences, aussi, parce qu'il est très drôle et que j'ai toujours une oreille qui traîne de son côté : ça fait toujours du bien de savoir que quelqu'un nous entend.
Dans la nuit du 12 au 13 février 2024, j'ai rêvé d'Icare à nouveau. On est à un événement de type karaoké de mon école de musique : des gens sur scène, la lumière vive des lights de Fuchsia, les gens partout, souriants, heureux et légers. On est sur la droite de la salle, et on se regarde dans les yeux, lui et moi, et il est beau dans cette lumière, et j'ai très fort envie de... de lui, simplement. Je le lui dis, il ne répond pas grand chose. Il parle très peu dans mes rêves, je crois qu'il est timide et mal à l'aise. Est-ce qu'il a déjà été seul avec "une fille" ?
Je ne sais pas comment, on se retrouve dans une chambre, qui est la mienne dans le rêve mais pas dans la réalité, et on fait l'amour. Ou plutôt, on couche ensemble. Y a-t-il de l'amour là-dedans ? J'en doute. Je suis sur lui, il ne fait pas grand chose. Pourquoi est-il si passif ? Il y a une possibilité pour que ma mère débarque à tout moment et ça me terrifie. Ça ne m'empêche pas d'arriver au bout, et il me dit « non attends, pas déjà... ». Je reprends mon souffle, puis je lui dis qu'il n'y a pas de souci, je peux terminer le job.
Quand je me suis réveillé, je suis resté prostré un moment, puis j'ai ri, puis je me suis figé à nouveau. Ce rêve, il m'a parasité toute la journée, et je n'ai pas pu regarder Icare dans les yeux au lycée. Je me sens sali et j'ai l'impression de l'avoir taché aussi. Qu'est-ce qui s'est passé pour que mon cerveau m'invente ça ? Ce n'était même pas un rêve érotique, c'était juste perturbant. Surtout que je n'ai pas la moindre envie d'avoir une intimité avec lui, en vrai. Alors pourquoi ? Quelle pulsion refoulée ai-je accomplie dans ce rêve ? Et pourquoi mon esprit a-t-il décidé de s'en souvenir ?
Icare lui-même me préoccupe. J'aimerais l'aider, l'écouter, le bousculer, lui crier qu'on va se sortir les doigts du cul ensemble. Que la dépression c'est rien qu'un salopard de parasite qu'il faut brûler à la racine, et que je lui prêterais volontiers ma colère pour y foutre le feu. Ma psy me dirait que je recommence à vouloir sauver tout le monde – et c'est pas faux – mais je crois que lui a vraiment besoin que quelqu'un le chope par le col et lui dise que maintenant c'est terminé, on va sortir de cette putain de maison glauque aux murs couverts d'écritures chaotiques (Mansion - NF). C'est ma tête qui est chaotique, là, et il faut juste que je laisse l'agitation retomber dans cette partie de ma tête : Icare se sauvera seul, comme tout le monde, ou crèvera seul comme les autres.