Dissociation

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10 février 2022   |   TW/déréalisation
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L'autre jour, j'écrivais une chanson, et des mots me sont venus à l'esprit, de cette manière tellement spontanée et naturelle qui me fait questionner ma créativité – comment elle fonctionne, cette connasse ? – brefons. Les mots c'était « impossible, rien n'existe, et ce putain de malaise persiste » et ils me paraissent si ridicules ainsi écrits... Quand ils me sont apparus, j'ai tout arrêté et mon cerveau est parti en vrille.

C'est vrai que rien n'existe, si ce n'est cette nausée. Je ne suis pas réel. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, c'est juste un fait, un constat : je n'existe pas. Hum, difficile de retranscrire ce sentiment en des phrases cohérentes. J'ai la sensation depuis ce qui me semble être une éternité que je ne suis pas là, je ne vis pas, je ne fais rien, et il n'y a même pas de « je » puisque tout ceci n'est qu'une gigantesque illusion.

Mes amitiés n'existent pas. Rien n'existe, rien n'est réel, rien n'est tangible. Tout m'échappe. Je me sens mal partout, tout le temps, en décalage, pas à ma place. Ma marée noire est là, la nausée aussi.

Néon n'existe pas. Mon amour pour elle est-il réel ? Ce chapitre est-il réel ? Cette chanson que je suis en train d'écouter, elle est là. Elle existe bel et bien. Est-ce que la musique est la dernière chose qui me relie à la réalité ?

Je suis tellement dans ma tête en ce moment que je suis déconnecté de tout. Ma mère dit que je fais l'autruche. Je ne pense pas. Je crois juste que j'ai atteint un tel niveau de flottement que plus rien ne peut m'atteindre. Personne ne va bien, et ça me fait du mal, mais rien n'a d'importance puisque tout ça n'existe pas.

Je réfléchis tellement que je ne réfléchis plus.

Est-ce que ce que je raconte a du sens ? Non, puisque rien n'a de sens dans ce monde. Dans n'importe quel monde, d'ailleurs.

C'est marrant, l'état dans lequel je suis. C'est très intéressant à observer. Pourquoi ai-je l'impression de me regarder de l'extérieur en permanence ? De n'avoir aucun contrôle sur ce que je fais, de regarder mon corps bouger tout seul et rire de cette absurdité.

Je ressens tellement... rien.

J'ai l'impression que je pourrais sauter d'un immeuble sans que la moindre émotion pointe le bout de son nez. Je ne sais pas si je préférais les émotions exacerbées ou ce vide. Les émotions, elles me faisaient agir avec un but, elles me faisaient bouger en ayant une idée en tête, un objectif, quelque chose à accomplir. Embrasser pour avoir ce feu d'artifice, me couper pour que tout s'envole. Maintenant, je sens ses lèvres contre les miennes et tout ce à quoi je pense c'est « toujours aussi mouillé, les bisous », je croise le scalpel et je me dis qu'il n'y a rien dont je puisse me soulager, puisqu'il n'y a simplement plus rien.

Est-ce que c'est normal ?

Quelle drôle de chose, la normalité. J'y ai pensé l'autre soir. La normalité n'a que deux définitions possible : elle représente soit la majorité, soit ce qui crée le moins de vagues possible. Les gens disent en fronçant le nez que la normalité est absurde, ils disent ça sans y réfléchir. C'est à la mode, de penser que les gens bizarres ont leur place dans ce monde.

Navré de vous décevoir, mais tout le monde est normal. Cessez de penser que vous êtes en dehors de la norme. Cessez de penser que vous êtes original. Je suis désolé de dire ça, ça aurait fait du mal à Arlo qu'on lui dise ça alors ça vous fera peut-être du mal à vous aussi ? Je sais qu'au fond, vous vous croyez spécial.

Vous ne l'êtes pas.

Je ris à haute voix.

Tout est normal, les enfants. Tout le monde est normal. Personne n'a quoi que ce soit d'unique. Mais le monde adore se bercer d'illusions, tout le monde adore se croire important, tout le monde adore croire que ses problèmes et ses particularités sont importants. C'est d'un ridicule absurde.

Je ne sais plus où je voulais en venir avec ce raisonnement. Je suis fatigué de me concentrer sur mes mots. Je vais juste... je vais juste m'échapper dans mon esprit à nouveau. C'est drôlement plus confortable depuis que toutes les voix ont fermé leur gueule. Au fond, je sais qu'elles n'ont pas disparu. Il faut que je revienne dans la réalité pour qu'elles se remettent à parler. Je ne peux pas vivre dans la réalité sans elles. Elles me tuent à petit feu, certes, mais n'est-ce pas grâce à elles que je suis parfois vivant ?

randomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant