Vide

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7 mai 2023
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Je déteste avoir ce regard vide. Il y a ces jours, tellement lourds, où tout s'en va. La joie, les étincelles, les larmes, les sourires. Tout est aspiré par le trou noir en moi, et à cause des cônes de lumière et de la courbure du temps plus rien n'en sort (trop intéressants les trous noirs).

Ce soir, j'ai ces yeux vides qui ne parviennent pas à sourire. J'ai les lèvres pincées et des cernes, les joues toutes blanches. Je ne ressemble pas à Arlo d'il y a quelques jours qui pétait la forme.

J'ai eu mon propre « transgenderism must be eradicated », sous la forme de « je ne t'appellerai pas par ton prénom de garçon, je ne t'encouragerai pas dans ton délire ». C'était violent, pourtant je m'y attendais. Je le savais, au fond, qu'elle est tellement allergique au bonheur que quelque chose devait bien me revenir dans les dents un jour ou l'autre.

J'ai beaucoup pleuré, j'ai eu une voix chargée de colère et de haine ; je m'inquiétais un peu. J'ai été très franc, comme toujours. Je lui ai dit qu'elle ressemblait à PAJ, qu'elle m'envoyait à l'abattoir pour mon bien. N'est-ce pas magnifique, ce reflet parfait entre eux deux ?

Ça commence par un « il faut que je te parle d'un truc », puis il y a trois mots innocents, et ensuite je suis englouti. À un moment, je ne l'écoutais plus, je cherchais une échappatoire. Court terme, évidemment : demain chez Sonia, ou l'école de musique. Et puis long terme : Jo m'avait dit un jour que si j'avais besoin d'un endroit où aller sa maman serait prête à m'accueillir. J'ai pleuré encore. Je suffoquais. Je n'avais pas envie de fuir deux parents sur deux.

Elle a demandé à mon frère d'arrêter de m'appeler « le reuf ». Alors que ça n'a rien à voir avec ma transidentité, c'est juste un des délires stupides qu'on a ensemble. Elle a dit qu'elle enlèverait aussi ordi et téléphone pour que j'aie pas de réseaux sociaux, pas d'infos à récupérer sur la transidentité. J'ai eu une montée de colère terrible, et je lui ai demandé si elle allait aussi interdire à mes amis de m'appeler par mon prénom, si elle allait interdire ça à l'école de musique aussi, si elle allait m'interdire de les voir, mes amis – là j'ai plus réussi à respirer parce qu'une vie sans eux c'est pas une vie, c'est un cercueil. J'avais l'impression d'être un poisson hors de l'eau, j'allais vraiment crever, je vous jure. J'avais envie de partir, loin, j'ai réfléchi à prendre mon vélo, aller chez Sonia, puis à Paris pourquoi pas, mais et mon chien ? Tant pis, elle a pas besoin d'un humain à demi mort...

Pourquoi mes deux parents me détruisent « pour mon bien » ? Est-ce que c'est moi le problème ?
Was I right, was I loved? demanderait Awsten.
Tout ce que je peux faire, c'est m'écouter, et ne pas perdre de vue ce que je ressens, ce qui est vrai au fond de moi. Je le sens au fond de moi, que c'est eux qui se trompent. C'est eux qui sont aveuglés par leur propre réalité et se complaisent à faire des choix à ma place, à me cabosser pour me rendre normal et conforme à leurs croyances.

Qui est là ce soir ?
Colère, bien sûr ; Anxiété, Peur, Tristesse...
Tous les Arlo sont touchés, je crois. Aucun n'est de marbre. Pourtant je pense que petit-Arlo est le plus ébranlé. Pauvre gamin. J'aimeras pouvoir le serrer dans mes bras, on a autant besoin d'un câlin l'un que l'autre. Heureusement que Fillip est là (oui, comme la chanson. C'est un énorme panda en peluche et je l'aime de tout mon cœur).

randomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant