les choses s'effritent

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18 février 2024
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Tout s'effondre.

Il y a le mental d'abord.
Ça fait des mois que je tire dessus, que je lui promets qu'il faut juste tenir un soir encore, un matin de plus, que promis le repos arrivera. Sauf qu'il n'arrive pas et que je cours, je cours après la vie pour essayer de donner une chance au futur Arlo d'exister correctement, mais mes jambes s'effritent et le sol s'ouvre sous mes pieds.
Mon mental, il est en grève et il en a marre qu'on le supplie de tenir.

Mon corps, ensuite.
Quand on tape trop sur le mental, qu'on l'accule dans un coin et qu'on le tabasse, ça finit par atteindre le corps. Mon corps, il est épuisé. Il nous demande de dormir treize heures par nuit et quand on se réveille, il compte les minutes jusqu'à la prochaine sieste. Il voudrait juste qu'on s'arrête, juste quelques jours, qu'on puisse ne pas exister. Qu'on puisse rester sous la couette à dormir, dormir, dormir.
Il ne veut plus faire de sport, mon corps, il ne veut plus que les muscles tirent, et les poumons refusent de faire des efforts.
Je suis malade depuis plus d'une semaine, une sale bronchite, et ça ne passe pas. La nuit, je me réveille en toussant et j'ai l'impression que je vais mourir parce que je n'arrive pas inspirer.

Et puis les amis, ça s'effondre aussi.
Epinard dit que l'année prochaine c'est ciao, il n'aura plus le temps de s'occuper de ses amitiés (déjà qu'il en fait pas beaucoup, en tout cas avec moi...). Zia est loin, et heureuse, mais loin. Je n'arrive plus à répondre aux lettres, c'est trop d'énergie.

Je n'arrive plus à promener Delva. Je n'arrive plus à caresser mon chat.
Je ne peux plus.
Je ne peux plus.
L'autre jour je n'ai juste pas pu aller au lycée. Je voulais, pourtant, je vous jure, j'avais réussi à mentalement me convaincre de remettre l'abandon au lendemain. C'est mon corps qui s'est allongé et qui a juste dit « stop. Non. Pas aujourd'hui ». Je n'ai pas choisi de passer cette journée à dormir, littéralement.

Il paraît que ça s'appelle le burn out. La dame du rendez-vous le week-end dernier m'en a parlé, un peu ; elle m'a dit « le "vrai" burn out, c'est quand c'est le corps qui refuse ». Et ça m'a fait rire. Bonjour, je m'appelle Arlo et je fais un burn out parce que la vie c'est trop pour moi. Youpi, non ?

Ma mère ne veut pas l'entendre, que ça ne s'en ira pas tout seul. Elle ne veut pas comprendre. Quand je dors quinze heures d'affilées, elle me dit avec un petit sourire que ça lui rappelle mon frère pendant sa poussée de croissance. Je ne sais pas s'il était dans le même état que moi à cette époque, mon frère, mais il ne me semble pas. C'est venu après, chez lui. Lui, c'est juste l'adolescence qui le gardait au lit.

J'ai besoin de quelqu'un, je crois, quelqu'un comme Pichenette. Mais je ne peux pas l'appeler, si ? Est-ce qu'il m'avait dit de l'appeler si j'avais besoin d'aide ? Je crois que oui. J'avais répondu que je ne l'appellerais pas.

Verdict : j'ai écrit une lettre à un inconnu.

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