Neige neige neige

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10 janvier 2024
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Un jour, il faudra raconter la neige au petits enfants. Ils ne la connaîtront pas, sauf s'ils ont la chance d'aller dans les pays froids. Alors nous, les anciens, on racontera ce silence : les bruits assourdis, étouffés, adoucis, et le son unique des pas dans la neige fraîche, qui donne gentiment des endorphines. On décrira les paysages changés, méconnaissables, presque en noir et blanc, et cette sensation étrange d'avoir mis les pieds dans l'univers de Narnia. J'expliquerai la truffe enneigée des chiens, les glaçons dans leurs poils ; les poules douillettes qui restaient au poulailler ; les traces des chevreuils dans la poudreuse.

Il faudra raconter le verglas, les démarches lentes et prudentes, les semelles dentelées, les chutes à chaque coin de rue ; la manière dont ça gelait précisément aux endroits abrités où la neige fondue s'évacuait mal ; les routes salées ou non, les écarts pour éviter les patinoires sur le bitume.

Les mares gelées sur lesquels on posait un orteil timide pour en éprouver la solidité, les rivières farouches qui murmuraient entre les rameaux saupoudrés de blanc. Comme il fallait casser la croûte de glace du poing ou du pied pour laisser les animaux s'abreuver, et comme Delva croquait les plaques de glaçons.

Les oiseaux qu'on nourrissait les jours les plus difficiles, et qu'on guettait ensuite derrière la fenêtre. Les chevreuils au loin, profitant du fait que les humains restaient chez eux pour investir de nouveaux endroits, laissant une ligne de sabots en travers des champs. Les écureuils qui descendaient courageusement de leur abri et fouillaient les flocons à la recherche d'une noix oubliée.

La nature apaisée et les gens qui, pour une fois, levaient le nez de leur quotidien et regardaient les arbres de leur jardin rhabillés de blanc, ou les toits de leur ville transfigurés. Les sourires échangés et les avertissements aux alentours des plaques de verglas. Les hochements de tête entendus à ceux qui salaient leur perron, aux autres qui dégageaient leur pare-brise, et puis aux enfants éperdus d'émerveillement.

Je suis heureux de connaître la neige.

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